Helen Kushakovska est la présidente de SAP Labs France. Experte en intelligence artificielle, elle le présente comme un outil dont l’impact est modelé par celles et ceux qui l’utilisent, au service du mal comme du bien. Comment faire en sorte que l’IA soit mise au service de l’intérêt général ? Elle nous raconte.   

« L’IA est un outil qui peut résoudre un problème. Il n’a pas besoin d’être au cœur de la solution. »

Cela fait longtemps que l’intelligence artificielle existe. Mais aujourd’hui, on assiste à un véritable changement de paradigme. Beaucoup l’utilisent déjà pour écrire un mail ou chercher des infos. C’est le premier pas. La vraie question est : qu’est-ce que ça peut nous donner comme capacité qu’on n’avait pas avant ?

Je vais être honnête. Comme tout le monde, j’ai des méfiances vis-à-vis de l’IA. C’est un outil très puissant qui peut être détourné par des personnes mal intentionnées, comme à travers ces fake news terribles qui assaillent nos réseaux. Pour faire en sorte qu’elle soit utilisée pour le bien, il faut outiller celles et ceux qui mènent déjà cette bataille : les entrepreneurs sociaux.

L’IA va révolutionner l’entrepreneuriat, car elle met de la technique dans les mains de celles et ceux qui n’ont pas forcément des profils ou formations tech, avec un potentiel de grands changements. Elle ne nécessite pas beaucoup de moyens et, avec un peu d’entraînement, est utilisable par tous et toutes, ce qui peut briser une vraie barrière d’entrée pour des entrepreneurs sociaux dans les pays en voie de développement. Hors l’équipement numérique, l’IA peut permettre de développer à moindre coût des sites internet, traiter les données ou résoudre des problèmes de manière pertinente et efficace.

« Il faut mettre à disposition les ressources en open source et briser la barrière tech. »

Le prochain défi est de rendre l’IA accessible. Il faut mettre à disposition des ressources en open source. Il faut vulgariser l’IA et briser la barrière tech. C’est la raison pour laquelle ce guide est important. Il permet de vulgariser l’intelligence artificielle auprès des entrepreneurs sociaux francophones, car aujourd’hui encore beaucoup de contenus sont essentiellement en anglais, alors qu’ils doivent tous·tes pouvoir comprendre comment la mettre au service de leurs projets. Ce guide est aussi important pour montrer que l’IA est un outil qui peut résoudre un problème. Il n’a pas besoin d’être au cœur de la solution, mais il faut l’intégrer dans son spectre d’outils. Car l’IA peut simplement nous aider à sortir de notre vision parfois réduite, nous permettre de réfléchir autrement en nous apportant des éléments différents et inattendus.

Cela dit, il ne faut pas utiliser l’IA pour l’IA, ni oublier l’importance du contact humain dans nos métiers et notamment au sein de l’entrepreneuriat qui met le lien et l’impact social au cœur de sa mission. Nous ne sommes pas des robots et nous n’avons pas vocation à le devenir. Les entrepreneurs sociaux doivent s’emparer de l’IA pour justement la mettre au service du lien humain, et non l’inverse. Si ça permet de rendre un service accessible à tous·tes, allons-y. Si ce n’est pas pertinent pour la solution, ce n’est pas la peine de forcer.

L’IA peut faire basculer les choses, très rapidement. Tout l’enjeu est de décider de quel côté elle bascule, celui d’une utilisation sur optimale potentiellement destructrice aux mains des mauvaises personnes (pour la conception d’armes létales par exemple), ou celui d’un usage réfléchi pensé pour projeter notre monde vers un avenir désirable, au service des humains et de l’écosystème. L’IA ne prend pas les décisions, c’est vous.

L’outil qui l’intrigue

L’application PI, le chatbot de l’intelligence émotionnelle, qui se présente un peu comme un psy perso. Je l’ai utilisé 2-3 fois, ça m’a un peu effrayée dans le sens où ça enlève un contact humain, mais ça m’a beaucoup questionnée. Est-ce que ça pourrait être un moyen de pallier le manque de psys ou l’attente pour en voir un  ? Tout en prévoyant une transition vers l’accompagnement humain ensuite ? À méditer

Présidente de SAP Labs France, cela fait 24 ans qu’Helen Kushakovska fait bouger les lignes de la tech chez SAP, à Sophia Antipolis. Mathématicienne née et formée en Ukraine, elle avoue son amour précoce pour les machines, ses meilleures alliées dès son début de carrière. Après un passage à Londres, elle épate SAP par son expertise dans les sciences de la technologie et sa parfaite maîtrise de l’anglais, puis du français. Lorsque l’IA émerge, Helen Kushakovska pressent une révolution, un changement de concept qui transformera la manière de vivre et de travailler. Elle pousse l’entreprise allemande à être précurseuse sur le sujet, à investir dans la recherche et développer des solutions.

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