Dans le monde, 1% de la population possède 50% des richesses. Il est essentiel de s’atteler à réduire les inégalités dans la société mais partout ailleurs également. Dans le cadre de l’entreprise, réduire les inégalités c’est veiller à un partage juste de la valeur entre toutes les personnes qui la créent. On peut partager la valeur avec ses collaborateur·ices notamment à l’aide de 3 éléments : la gestion des salaires, les primes ainsi que l’ouverture du capital. 

La gestion des salaires

Le salaire est le premier moyen de répartition de la valeur créée, et il est déjà en place dans l’ensemble des entreprises. C’est donc un très bon outil pour mieux répartir la richesse produite sans complexité administrative particulière, à condition de bien penser son modèle de rémunération. On s’interrogera ici uniquement à l’encadrement des salaires, ainsi qu’à la question des variables. Vous pouvez cependant retrouver plus d’informations pour construire son modèle de rémunération dans l’article Définir son modèle de rémunération sans se prendre la tête.

Limiter les écarts de salaire de 1 à 10

Encadrer les écarts de salaires te permet de garantir une meilleure répartition de la valeur créée, sans aucune complexité administrative. A titre d’exemple, le statut ESUS impose une règlementation concernant les écarts salariales :

  • L’écart entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut doit répondre à un rapport de 1 à 10
  • L’écart encore le salaire le plus bas et la moyenne des 5 salaires les plus hauts doit répondre à un rapport de 1 à 7

De plus, affirmer en externe un positionnement fort vis-à-vis du partage de la richesse grâce à un cadrage des salaires permet de te distinguer et de renforcer ta marque employeur. Cela étant dit, il est important de garder en tête le plafond permis par ton modèle de rémunération lors de tes recrutements et de proposer des salaires d’entrée qui permettront aux personnes d’évoluer au cours de leur carrière, sans dépasser le plafond.

La question des variables individuels

Pour les métiers de commerciaux et marketing, il est fréquent d’avoir une part de salaire fixe et une part de variable individuel. Chez makesense, nous avons fait le choix de ne pas en mettre (ni pour ces métiers, ni pour d’autres d’ailleurs) pour plusieurs raisons :

  • mettre en place des variables individuels promeut des attitudes de compétition plutôt que de coopération au sein de l’organisation. De plus, selon les critères choisis, la mise en place de variable individuel peut mener à des situations qui ne sont pas souhaitables pour l’organisation (diminution de la qualité, relations partenariales entachées ou forte concentration de pouvoir dans l’attribution des rôles et des prospects au sein de l’équipe par exemple). En plus d’être philosophiquement questionnable, cela pourrait donc également être contre productif pour l’atteinte d’objectifs d’équipe.
  • les résultats obtenus par une personne n’auraient pas été possible sans le travail de tout un tas d’autres et peuvent beaucoup dépendre des circonstances. Il est donc très difficile de connaître la part de responsabilité de l’individu dans l’atteinte de ses résultats. De ce fait, il semble injuste d’attribuer des variables uniquement aux commerciaux alors que leur capacité à vendre (ou à revendre) dépend fortement de la qualité du produit, de la réactivité des équipes opérationnelles, etc.
  • mettre en place des variables part du présupposé que sans incitation financière les personnes ne font pas de leur mieux pour atteindre leurs objectifs. Dans les organisation à impact, nous savons que la principale source de motivation n’est le plus souvent pas financière mais plutôt celle de l’impact.

Les mécanismes de répartition annuelle de la valeur créée

Au delà du salaire, il existe plusieurs type de mécanismes qui permettent de répartir la valeur créée au cours de l’année. On t’en présente ici 3 : la prime de partage de la valeur, les mécanismes d’intéressement ainsi que les mécanismes de participation.

La prime de partage de la valeur

Si tu souhaites partager le valeur créée au cours de l’année de manière simple, tu peux officialiser l’octroi d’une prime de partage de la valeur. Ces primes te permettent de verser jusqu’à 3000 euros par an et par collaborateur.ice concerné.e en bénéficiant d’une exonération de l’impôt sur le revenu, des cotisations salariales et des contributions sociales y compris de la CSG de la CRDS. De plus, si le.a collaborateur.ice en question gagne moins de 3 fois le SMIC, alors la prime est exonérée de toutes les cotisations sociales (pour l’entreprise) ainsi que des impôts (pour le.a salarié.e). Le montant de la prime peut être défini dans l’accord d’entreprise ou de manière unilatérale par l’employeur. La répartition peut se faire de manière uniforme, ou non.

Nous te conseillons de définir le montant des primes en valeur absolue et non en pourcentage du salaire afin de privilégier les plus bas salaires, qui sont ceux pour lesquels la prime aura le plus d’importance.

L’intéressement

L’intéressement permet l’octroi d’une prime pour les collaborateur·ices, conditionnée par l’atteinte d’objectifs financiers, ou extra-financiers sur l’année. Il permet un partage de la valeur créée avec des conditions fiscales et sociales avantageuses. En 2023, le montant de l’intéressement ne pouvait dépasser 20% du salaire brut annuel, ni 32 994 euros.

Bien définir ses critères

Les critères pour définir l’intéressement doivent uniquement répondre à 3 caractéristiques : être mesurables, objectifs et aléatoires (c’est-à-dire que leur atteinte n’est pas certaine). En dehors de ces caractéristiques, ils offrent une grande liberté aux entreprises. Vous pouvez donc les façonner pour prioriser vos actions, les rendre visible auprès de l’interne et de l’externe et faire du dispositif d’intéressement un outil de pilotage stratégique.

Les critères peuvent concerner des éléments financiers (l’atteinte d’un CA, ou d’un bénéfice net par exemple) mais aussi des éléments extra-financiers. Ces critères extra-financiers peuvent être relatifs à des éléments business (nombre de retours qualité, vitesse de production d’une pièce, temps de réponse en SAV, etc.), RH (nombre de jours de formation par personne et par an, nombre de jours en arrêt maladie par an, etc.) mais également à des éléments liés à votre impact social ou environnemental. Par exemple, ces critères peuvent porter sur le nombre de bénéficiaires de tes actions issus de QPV, sur un pourcentage d’économies d’énergie à réaliser, ou sur le chiffre d’affaires d’un produit en particulier, avec un fort impact sociétal.

Voilà quelques conseils pour bien définir les critères par lesquels sera déterminé l’intéressement :

  • Définir la quote-part de votre intéressement qui sera allouée aux critères extra-financiers. Nous vous recommandons qu’elle soit au moins de 50% mais on observe qu’elle est en moyenne de 30%.
  • Avoir une stratégie (RSE et/ou générale) claire et connaître les éléments principaux sur lesquels on souhaite agir (en interne comme en externe) afin de déterminer des critères pertinents
  • Avoir des critères simples et qui visent un seul sujet : par exemple, avoir un critère sur le diversité et l’inclusion, et un autre sur la thématique environnementale
  • Avoir un petit nombre de critères pour prioriser les actions de l’entreprise et clarifier le rôle des collaborateur·ices dans l’atteinte de ces objectifs

Définir le mode de calcul de la prime d’intéressement

Une fois les critères définis, il faut désormais définir le budget total alloué à l’intéressement ainsi que la méthode de calcul du montant de l’intéressement. Il existe deux méthodes principales :

  • Attribuer un pourcentage d’atteinte pour chacun des objectifs fixés, en faire la moyenne, puis calculer le montant de la prime en fonction du pourcentage d’atteinte ou déterminer un pourcentage à partir duquel l’intéressement est distribué aux personnes
  • Décider qu’à partir de l’atteinte d’un certains nombre de ces critères, alors l’intéressement est versé. Si vous avez par exemple 7 objectifs, tu peux dire qu’en atteindre 5 permet de déclencher l’intéressement

Définir les espaces d’analyse et de communication de l’information

Avant de se lancer dans la mise en place de l’intéressement, il faut s’assurer que l’on a les infrastructures nécessaires afin de collecter les données que l’on souhaite étudier pour l’intéressement. Il est important de définir des moyens de collectes simples (quitte à adapter les objectifs en fonction de vos possibilités) pour garantir une donnée précise, et assurer que cela ne te prend pas trop de temps au quotidien.

Une fois cela assuré, il faut définir les rituels pour étudier l’avancement des objectifs afin de faire de l’intéressement un véritable outil de pilotage. Nous conseillons de définir des rituels d’analyse mensuels ou trimestriels.

Il faut également définir les espaces et mediums de transmission de l’information à tes collaborateurs et collaboratrices, afin de s’assurer que les objectifs ainsi que leur niveau d’avancement soient connus de tous et toutes. Cela peut prendre plusieurs formes : si tu organises un point mensuel avec l’ensemble de collaborateurs et collaboratrices, cela peut être l’endroit pertinent pour partager ces informations.

Le processus pour mettre en place l’intéressement

Pour les entreprises de plus de 50 salarié·es, l’intéressement se met en place dans le cadre d’un accord d’entreprise. Pour les entreprises de moins de 50 salarié·es et en l’absence de CSE ou de représentants du personnel, la mise en place d’un accord d’intéressement peut se faire de manière unilatérale par l’employeur. Quelque soit votre situation, nous vous invitons à vérifier le cas de figure qui s’applique à vous sur le site du gouvernement. Après les éventuelles négociations, l’accord d’intéressement doit être ajouté sur ce site où il sera alors contrôlé sur la forme et le fond, avant d’être valable après trois mois sans demande de modification de la part des organismes de contrôle. Tu peux pouvez retrouver la procédure à appliquer en détails sur le site du gouvernement. Tu y trouveras notamment un template d’accord, afin d’en faciliter la rédaction.

La participation

La participation aux bénéfices est un système qui permet de partager la valeur créée au cours de l’année avec des avantages fiscaux et sociaux. Elle est obligatoire dans les entreprises qui ont employé plus de 50 salarié·es sans interruption au cours des 5 dernières années, mais sa mise en place est possible dès lors que l’entreprise compte 3 salarié·es. Il est important de savoir que la mise en place d’un accord de participation s’accompagne obligatoirement de la création d’un PEE. Cela représente donc une plus forte complexité administrative.

La mise en place du PEE

La mise en place d’un PEE doit se faire par accord entre l’employeur et les salariés ou les représentant·es du personnel. L’accord doit contenir une dizaine d’éléments (tels que les dates de conclusion, de prise d’effet et de durée pour laquelle l’accord est conclu, ainsi que le champ d’application du plan par exemple) et être déposé sur le site de téléprocédure du ministère du travail. Il y aura alors un contrôle de forme effectué par la DDETS ainsi qu’un contrôle de fond réalisé par l’organisme de recouvrement de cotisations sociales dont dépend l’entreprise qui a déposé l’accord.

La mise en place de la participation

Comme pour la mise en place de l’intéressement, la mise en place de la participation nécessite dans un premier temps un accord entre l’employeur et les représentants du personnels (qui peut prendre s’inscrire dans la convention collective, prendre la forme d’un accord entre l’employeur et les représentants syndicaux ou le CSE, ou être adopté par référendum à 2/3 des salariés). Pour rédiger l’accord de participation vous pouvez vous appuyer sur les templates fournis par le gouvernement.

🌟 Conseils et bonnes pratiques :

  • La participation est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés par mois au cours des 5 dernières années, mais est possible dès qu’il y a 3 salariés dans l’organisation.
  • La mise en place de la participation s’accompagne nécessairement de la création d’un Plan d’Epargne Entreprise (PEE).
  • La prime de participation aux bénéfices permet de partager la valeur créée avec les collaborateur·ices, cependant, puisque le versement de cette prime n’est pas conditionnée à l’atteinte des objectifs, ce n’est pas un élément de motivation pour autant.
  • La prime de participation aux bénéfices est exonérée des cotisations sociales, de taxes et de participation. Le forfait social est de 20% et la prime de participation est déductible du bénéfice imposable. Le mécanisme de participation présente donc les mêmes avantages fiscaux et sociaux pour l’entreprise. Cependant, le régime sociale est moins avantageux pour le.a salarié.e puisqu’iel sera également soumis au prélèvement de solidarité de 7,5 pour un prélèvement total de 17,2%. Par exemple, pour 1000€ versé à un salarié au titre de la participation, il en recevra 828€. Sur les 828€, le.a salarié.e paiera alors les impôts sur les revenus en cas de versement direct, ou sera exonéré d’impôt en cas de versement sur un dispositif d’épargne salariale (PEE, PERCOL ou autre).

Les dispositifs d’actionnariat salarié

Les BSPCE

Les BSPCE sont un type d’actions qui permet à un·e salarié·e d’acheter des actions de l’entreprise à un prix fixé à l’avance. De ce fait, si la valeur des actions de l’entreprise augmente alors le profit engendré par l’achat de la BSPCE augmente également, et si la valeur des actions diminuent le détenteur ou la détentrice de la BSCPE n’a pas d’obligation d’achat.

De plus, les BSPCE présentent des avantages sociaux et fiscaux. Ce sont donc un bon moyen de partager la valeur créé dans l’entreprise. Certaines entreprises ont pris le parti de mettre en place un BSPCE universel. Selon le niveau hiérarchique, vous pouvez décider d’accorder un certain nombre d’actions à chaque personne qui rentre dans l’entreprise. En général, entre 5 et 10% du capital de l’entreprise est ouvert en BSPCE pour les salariés et l’on octroie 0,5% de l’entreprise en BSPCE aux personnes clés et un montant dégressif aux autres.

Alan a notamment fait ce pari, en permettant également à ses collaborateur·rices d’augmenter leur nombre de part chaque année. Leur modèle est décrit en détail dans cet article, où ils évoquent le sujet de la grille salariale, des BSPCE, ainsi que de la transparence sur les salaires.

Les BSA, AGA

Les Bons de Souscription d’Actions représente le droit d’acheter des actions de l’organisation, à un prix prédéterminé et pendant une période définie. Dans le cadre d’un projet entrepreneurial, cela permet de fidéliser les collaborateur·ices sans ouvrir l’actionnariat de l’entreprise à l’externe. Les BSA ne sont pas obligatoirement octroyées à des salariés, et peuvent être cédés après leur octroi. Nous faisons le choix de ne pas présenter en détails ces dispositifs, car ils ne sont pas ceux que tu utiliseras a priori, cependant il peut être pertinent de les avoir en tête.

Cet article fait partie du dossier « Partager le pouvoir et la richesse ». Découvre les autres chapitres : 

  1. Partager le pouvoir – pourquoi ?
  2. Partager le pouvoir – comment ? (accès premium)
  3. Comment intégrer les parties prenantes dans sa gouvernance ? (accès premium)
  4. Partager la valeur avec ses collaborateurs et collaboratrices
  5. Créer une fondation actionnaire (accès premium)

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