Comment sortir de nos océans d’impuissance ?

Comment sortir de nos océans d’impuissance ?

Si tu te noies dans un océan d'impuissance et que tu te demandes où sont les bouées de sauvetage, on t'aide.
17 November 2023
par makesense
6 minutes de lecture

Si toi aussi tu te noies parfois dans un océan d'impuissance et que tu te demandes où sont les bouées de sauvetage, welcome. Ici on va parler d'éco-psychologie, de vagues intérieures, de pollution des océans, de poésie dérisoire, de karaoké salvateur, de la trépidante campagne #Sickofplastic et du mantra de D'Artagnan. Une histoire (vraie) pour retrouver un peu d'espoir et des brassards en cas de tempête. 

Il y a quelques mois, une question sournoise a commencé à tourner en boucle dans ma tête. À quoi bon ? À QUOI BON ? À QUOI BON ?

Tu la connais peut-être déjà toi aussi et tu seras sans doute d’accord avec moi : voilà le pire mantra ever. Garanti 100% déprime. C’est arrivé du jour au lendemain, sans prévenir. J’ai plongé tête la première dans un océan d’impuissance. Je ne venais pourtant pas de découvrir l’ampleur des dégâts et de la tâche quant à l’état de la planète. Mais voilà, tout à coup, je n’arrivais plus à croire en rien, l’envie d’agir me désertait, l’été qui approchait avec son lot de plages bondées et de barbecues-saucisses sur fond de canicule me semblait aussi badant qu’indécent. 

Bref, la peine du monde et la marée de la connerie humaine menaçaient de me noyer. Je réalisais que je ne savais pas si bien nager et qu’il allait falloir vite fait me trouver des brassards. 

Revenons à nos abysses. Pour ne pas couler à pic, j’ai alors commencé à enquêter en cherchant des bouées de sauvetage. Et j’en ai trouvé. Plein. Par exemple ? L’amitié. L’éco-psychologie. Les mojitos. Les baleines. Je pourrais (je vais sans doute) écrire un livre entier sur le sujet. Mais cette semaine, j’ai assisté à un évènement qui m’a semblé réunir un certain nombre des meilleurs tips et je ne peux pas résister à l’envie de commencer à te les partager. Au cas où tu prennes la marée, toi aussi, qu’on ne vienne pas me taxer de non-assistance à personne en danger d’aquoibonisme.

C’était lundi soir à l’Entrepôt, un cinéma parisien dans lequel On est Prêt lançait sa campagne de mobilisation contre la pollution plastique : #Sick Of Plastic. Avec la projection de Bakelite, le nouveau court métrage artistique sous-marin de l’apnéiste Julie Gautier. Moi le plastique j’y connaissais rien. J’y allais pour soutenir Magali Payen dans son lancement. Et aussi parce que dès que ça parle d’océan, ma nouvelle passion, je rapplique.

Le savais-tu ? « Chaque année, 450 millions de tonnes de plastique sont produites – soit l’équivalent en poids de la population humaine. La majeure partie de cette production deviendra des déchets. Et 1 tonne se retrouve chaque SECONDE dans les océans.» 

C’est lourd. C’EST LOURD. C’EST LOURD. 

Voilà le nouveau mantra qui s’empare de moi quand je lis ça. L’océan d’impuissance me guette  en écho à l’écrasante pollution des océans. Désolée je ne voulais pas te plomber. Et c’est justement ce que Magali et Julie ont réussi à ne PAS FAIRE. 

Grâce à 3 ingrédients qui à mon sens constituent une puissante recette anti-aquoibonite. Plus que des bouées de sauvetages, des phares dans la tempête.

Scène de Bakélite, de Julie Gautier

Premier phare : « La poésie sauvera le monde » 

Alors oui mais non. J’ai beau être écrivaine, ce titre du livre de Jean-Pierre Siméon, quand je l’ai vu, j’étais pas d’accord. T’es pas sérieux Jean-Pierre, on va rien sauver du tout avec nos pauvres stylos, nos rimes et nos histoires à dormir debout. Mais la soirée #Sick of Plastic qui s’ouvre avec la projection du court-métrage de Julie, me fait changer d’avis. Je regarde la toile, j’y vois une femme en apnée qui danse sous l’eau et qui se bat avec une grâce infinie contre un géant de plastique. 

J’y vois, surtout, une façon autre de nous parler d’écologie. Un rapport au monde différent des rapports factuels habituels qui m’accablent. Lucide, oui. Mais poétique. C’est terrible. Et c’est beau. Ce ballet sous-marin se veut une fable écologique figurant notre relation paradoxale avec le plastique. « Je voulais réaliser un film à impact. Le géant BAKELITE était la métaphore parfaite pour parler de notre rapport ambivalent avec le plastique. Il est un monstre auquel l’humanité voue un amour destructeur. Notre immense amour pour cette matière est en train de nous étouffer” dit Julie. 

Bah c’est réussi. Il y a la force du récit, de l’émotion, de la beauté, de l’art, de l’imaginaire, de la poésie. Et tout ça c’est pas de la déco. C’est ce qui fait reculer l’impuissance. C’est ce qui fait que mon cœur est touché, qu’au lieu de se fermer devant une information écrasante, il peut rester ouvert, curieux et courageux. Bon et puis en plus, la bande-son a été composée par Rone, ce génie de la musique électro. L’été dernier il m’avait fait vibrer en festival, j’étais déjà groupie mais de savoir que lui aussi œuvre pour les océans, ça me donne encore plus envie d’aller lui claquer des bisous salés sur la joue. 

En bref, je me reconnecte à l’importance de l’émotion. Du latin movere qui signifie ébranler, se mettre en mouvement, ce dont nous avons bien besoin quand un océan d’impuissance nous engloutit et nous fige. Je m’offre des émotions nourrissantes à travers l’art, la poésie et les récits. Si tu ne sais pas par où commencer, je te recommande le merveilleux essai «Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce» de la militante écosocialiste Corinne Morel Darleux. Un véritable îlot d’espérance pour endiguer le naufrage généralisé. A lire sans brassards.

Deuxième phare : « Tout ce que tu feras sera dérisoire»

Mais il est essentiel que tu le fasses. Allez merci Gandhi. Toi je te cite depuis des années mais ces derniers temps, je ne te croyais plus. A quoi bon l’action? Puisque tout est foutu. Laisse-moi tranquille sur mon canapé à regarder le plafond en attendant que le monde s’effondre. Ou que l’espoir, un jour, par miracle, revienne. Mais Laure Noualhat, dont je te recommande au passage l’excellentissime livre Comment rester écolo sans finir dépressif, a commencé à me sortir de ma passivité en retournant le sujet. Ne pas attendre d’avoir de l’espoir pour agir. Mais agir POUR retrouver l’espoir. Voilà une vertu pas si dérisoire, certes. 

Mais comment faire? T’as vu combien de tonnes de plastique sont déversées dans les océans ? Tu crois que je vais faire comment moi, avec mes petits bras qui savent à peine nager, pour nettoyer tout ça ? Anyway j’ai pas d’idées ni de compétences. Et surtout, cette impuissance m’a vidé de mon énergie. Alors j’ai repensé à Gandhi et Laure, je me suis engagée dans un premier minuscule-rikiki-tout-petit-pas vers l’action : accepter l’invitation de Magali Payen pour sa soirée de mobilisation citoyenne contre la pollution plastique. Juste ça. Sortir de mon canapé, braver la pluie et le métro. Pour les soutenir, elle, Julie et leurs équipes, leur dire merci, bravo, je sais pas quoi faire moi, pour les océans, j’y connais rien, je sers à rien, mais je viens. Je viens avec mon impuissance, mais aussi avec mon grand amour pour le grand bleu. Je sors de mon canapé aussi pour ça, pour l’amour qui me reste encore, tapi au fond des entrailles. 

Et ce premier minuscule-rikiki-tout-petit-pas qui n’est certainement pas une grande action militante me mène assez naturellement à un deuxième un-peu-moins-minuscule-rikiki-tout-petit-pas après la soirée : accepter d’aller sur le site On est Prêt pour signer la pétition qui demande un traité plastique international ambitieux aux négociations de l’ONU qui vont se dérouler prochainement à Nairobi. En faisait ça je constate, étonnée, qu’il y a déjà presque 200 000 signatures. Pour de vrai, ya 200 000 personnes qui en ont quelque chose à foutre du plastique et des océans ? Pour de vrai, quelques clics peuvent faire bouger les lignes d’un traité international ? Et je ressens alors un truc tout bizarre. Un truc qui frissonne. Un truc que Laure avait prédit et qui, après des mois d’impuissance, est loin d’être dérisoire. Un truc qui rime avec poire. Tu vois de quoi je parle ? Oui, c’est bien ça, un rayon d’espoir.

En bref, je me reconnecte à l’importance de l’action. Dérisoire peut être mais essentielle pour retrouver un peu d’espoir et réenclencher un cercle vertueux. Action-Espoir-Action-Espoir. Un tout petit pas après l’autre. Cherche celui qui te convient. Et si toi aussi t’es fan du grand bleu, des baleines, et que t’es sick of plastic, tu vas sur le site ON EST PRET, en 2 clics tu signes la pétition, tu télécharges le kit pour déplastifier ta vida ou tu organises une projection-débat avec tes copains qui s’ennuient le samedi soir et qui aiment ce qui rime avec poire.

Troisième phare : «  Toi, plus moi, plus tous ceux qui le veulent »

Oui je cite Grégoire. Non je n’ai pas honte. A mes heures perdues, entre une crise existentielle d’aquoibonisme et un article sur l’éco-impuissance, vous me retrouverez en karaoké option chanson française kitsch. 

J’utilise ces paroles de grande renommée culturelle pour te (me) rappeler l’essentiel. La relation. Le lien. Le collectif. Ensemble, comme dirait Jean-Jacques Goldman. Un pour tous, tous pour un, comme dirait D’Artagnan. Le problème de l’impuissance c’est qu’elle a tendance à nous isoler, à accentuer un désolant sentiment de séparation. D’avec soi-même, les autres, le monde. Alors ne fais pas comme moi, ne reste pas seul.e sur ton canapé. Ayant dit tout cela, je voudrais aussi normaliser l’impuissance. OUI C’EST NORMAL. C’est pas une erreur, c’est pas toi qui a un problème. Ni moi. C’est systémique, l’impuissance, comme dirait une de mes amies. Et même si je me permets de te donner quelques tips issus de mon expérience, ya pas non plus de remède miracle. Je bois encore régulièrement la tasse de l’impuissance. Je constate simplement la véracité des paroles de Joanna Macy, grande prêtresse de l’éco-psychologie : La grâce arrive quand nous agissons avec d’autres au service du Vivant.

En bref, je me reconnecte à l’importance des relations. Tu peux par exemple t’inscrire pour les cercles de paroles organisés par On Est Prêt et Makesense sur l’éco-anxiété. Ou alors tu viens avec moi au karaoké, on ira chanter « Le plastique c’est dramatique » autoparodie de la célèbre chanson d’Elmer Food Beat « Le plastique c’est fantastique » qui faisait l’apologie du…préservatif. Car oui, ce sera pour un prochain article mais je crois que l’humour et la musique, aussi, nous sauveront de l’impuissance.


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