Re-bon, la recyclerie rurale qui va droit au rebut

Re-bon, la recyclerie rurale qui va droit au rebut

À moins de 5 kilomètres de Suisse, la recyclerie citoyenne Re-bon à Maîche (dans le Doubs) revalorise ce que la société jette au rebut.
11 October 2021
par Hélène Binet
4 minutes de lecture

À moins de 5 kilomètres de Suisse, bien loin des centres urbains, la recyclerie citoyenne Re-bon à Maîche (dans le Doubs) revalorise ce que la société jette au rebut. Les objets sont recyclés au lieu d’être jetés, les personnes éloignées de l’emploi retrouvent travail et dignité et les habitants sont sensibilisés à la valorisation des déchets.

« Tout le monde a son badge d’acteur pour la planète ? » demande Jean-Louis bénévole au bonnet rouge à la Cousteau. La vingtaine d’écoliers venus ce jour-ci découvrir la recyclerie répond par l’affirmative. Tous arborent fièrement sur leur plastron cette nouvelle décoration très monde d’après. La visite peut commencer. Le groupe se dirige là où les visiteurs viennent chaque jour déposer 750 kilos d’objets qui seront alors vendus dans la boutique… ou pas. Jean-Louis s’empare d’une chaise cassée pour illustrer le premier travail de tri des employés en insertion de la maison. « On en fait quoi ? » « Poubelle ! » crient les enfants. « Et ce nounours ? » « On garde ». « Et cette épée laser ? «  On la met dans la boutique. » « Mais regardez, elle est toute abîmée, » rappelle Jean-Louis. Après observation, les enfants conviennent qu’il vaut mieux la jeter tout comme ce bougeoir dont ils ne voient pas l’intérêt. « Ah non ça on garde, il y a des gens qui aiment bien les choses anciennes ici. » Jimmy, l’un des 9 salariés en insertion de l’association confirme. « On nous apporte parfois des objets qu’on n’imagine pas une seconde pouvoir vendre. Une fois, on a reçu un prie-Dieu, on l’a mis direct au rebut. Quelques jours plus tard, une personne est venue en boutique pour en acheter un, on est allés le chercher dans la benne. On aurait jamais imaginé vendre ce truc-là.» 

Globalement, l’association récupère tout ce qui est propre et de bonne qualité : livres, CD, DVD, jouets, articles de sports, vélos, vaisselle, déco, bibelots, meubles, électroménager, articles de puériculture, vêtements, matériel de bricolage et de jardinage. Sont considérés comme non grata les matelas (à cause des puces de lit) et les sièges auto et les casques (pour des questions de sécurité)… « Pour expliquer aux gens ce qu’ils peuvent apporter ici, on leur demande si dans cet état l’objet peut resservir et si, eux, l’achèteraient, » explique Céline la directrice du lieu.

Écolo jusqu’aux places de parking

Les enfants poursuivent la visite du bâtiment, un gros cube coloré, lui aussi en matériaux destinés au rebut. L’ossature, la charpente et l’habillage intérieur sont en partie composés d’épicéas de la commune qui ont été attaqués par le scolyte, un petit parasite qui fait bleuir le bois et le dévalorise. Les dalles de faux plafond, les cloisons en bois massif, le carrelage, le mobilier ont été récupérés. Le revêtement du parking est quant à lui réalisé avec des mâchefers, ces résidus de la combustion des déchets ménagers. Sur le toit, 600 m2 de panneaux photovoltaïques financés par une coopérative d’énergie citoyenne, la Fruitière à énergies, fournit en électricité l’équivalent de la consommation de 135 personnes. 

“J’ai été 5 ans au chômage, Re-bon me permet de mettre quelque chose sur mon CV, je pensais ne rester que 4 mois, aujourd’hui je suis heureux d’être encore là.”

- Jimmy

Nous voilà au stand tri et nettoyage de la vaisselle. Régis lui aussi en contrat d’insertion interpelle les enfants : « vous voulez essayer ? » Les élèves prennent chiffon et vinaigre blanc et se mettent à astiquer les couverts pendant que Régis explique son quotidien. « Ici, on peut faire plusieurs métiers, on tourne d’ailleurs. Ça va du tri des objets déposés, à la valorisation, la remise en état, la mise en rayon dans le magasin, la vente, la caisse… Aussi, on est parfois chauffeur quand on va vider une maison ou récupérer des objets à la déchèterie. » En effet, dans les deux déchèteries du coin des caissons de ré-emploi ont été installés pour récupérer les objets triés à la source. « Comme on est près de la frontière suisse, on tombe souvent sur des objets de valeur. »

Caverne d'Ali baba

Les enfants arrivent dans la boutique où sur 300 m2 les produits sont rangés comme dans un supermarché. Il y a le rayon vaisselle, le coin vêtements monté en partenariat avec  l’association Frip’Vie, le garage à poussettes et vélo, l’espace jeux… Dans un coin, le fauteuil du président. « À chaque fois qu’un habitant apporte un fauteuil un peu classe, les salariés s’amusent à dire qu’il est pour moi, » raconte Jean-Marc Lerat, président de l’association. Entouré du trésorier Victor Bathoulot et de la secrétaire et trésorière adjointe Martine Ethesse, l’ex patron d’une usine de pièces automobiles à Morteau fait tourner l’association avec l’aide d’une cinquantaine de bénévoles à la retraite organisés en commissions. Jean-Marc se souvient de la première réunion de recrutement des volontaires. « C’était le jour de la finale de l’Euro France-Suisse, on a quand même réussi à embarquer une vingtaine de nouvelles recrues, des personnes qui souhaitaient agir concrètement près de chez elles. » De son côté, si Jean-Marc a rejoint ce projet, c’est parce qu’il avait envie d’être utile et croit beaucoup en l’insertion. Pour Martine c’est plus l’écologie qui la porte dans ce projet. Victor, quant à lui, apprécie le côté animation du territoire. 

La visite touche à sa fin, les enfants se retrouvent au point de départ pour démarrer la seconde partie de l’animation, la fabrication de tawashis, des éponges réalisées à partir de vieux tissus. « Qu’est-ce que vous avez retenu ? », demande Jean-Louis. « On peut recycler ses habits », explique Anna. « Avec 3 vélos on peut faire un vélo neuf, » poursuit Lina. « Moi ça me donne envie de faire pareil, » ajoute Cléophée. Ouverte le 19 mai 2021, la recyclerie qui dépasse d’ores et déjà ses objectifs, aurait déjà des prétendants pour la relève ? À Maîche, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…

Synergies locales

L’association Re-bon est composée de citoyens, de structures du réemploi, de collectivités. L’idée a été initiée par Préval Haut-Doubs, un établissement public pour la réduction et la valorisation des déchets, qui loue le bâtiment à Re Bon et soutient l'activité de la recyclerie via une convention de partenariat. L’association a également été lauréate de l’appel à projets « Inclusion & Ruralité », lancé conjointement par la Mutualité Sociale Agricole et le Ministère du Travail qui apporte par ce biais un soutien financier et technique à des structures situées en zones rurales françaises, ainsi qu’un accompagnement individualisé sur 3 ans à Re Bon via des partenaires, dont makesense.


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