Girl go green, « j’aimerais être l’étincelle sur la mèche de l’engagement »

Girl go green, « j’aimerais être l’étincelle sur la mèche de l’engagement »

Elle nous fait marrer, nous inspire, nous interpelle sur les réseaux sociaux. Camille Chaudron est cette Girl go green d’Instagram.
06 April 2023
par Hélène Binet
5 minutes de lecture

Elle nous fait marrer, nous inspire, nous interpelle sur les réseaux sociaux. Camille Chaudron est cette Girl go green d’Instagram, sincère et joyeuse à la ville comme à l’écran. Rencontre entre la poire, le chaï et un nouveau 49.3.

En ce moment, son truc c’est de retaper un van pour aller faire le tour des tiers-lieux et des écolieux aux beaux jours. Présentement, elle squatte un appart parisien et se prépare à aller marcher contre la réforme des retraites. Et puis là, tout de suite, elle finit son dessert parce qu’il est déjà 14h30, qu’elle doit encore poster un reel sur son compte Instagram qui compte plus de 102 000 fans et qu’en plus elle a rendez-vous avec moi. 

Camille, alias Girl go green est média-activiste, conférencière, conseillère. Elle intervient en entreprise, écrit et réalise des films, met les mains dans la terre, a testé la politique. « J’écris mon métier au fur et à mesure de mes envies, de façon totalement improvisée. Ma ligne édito n’est pas claire et en même temps c’est parce que c’est aussi ma vie. En fait, tout ça peut paraître un peu éparpillé, mais ça va dans le même sens. Ma mission c’est de mettre en récit, d’incarner, de lutter pour faire advenir les transitions écolo, sociales et démocratiques. »

Crise de sens, démission, réflexions

Camille a 33 ans, l’âge du Christ et a déjà ressuscité plusieurs fois. De sa première vie, elle garde une pointe d’accent du sud, stigmate de sa jeunesse niçoise heureuse et sans encombre entre deux parents profs d’histoire-géo. Au cours de sa seconde existence, le chemin classique des bonnes élèves l’a conduite à faire ses études à l’EDHEC à Lille, puis à enchaîner avec des premiers postes dans le marketing auprès de grands groupes alimentaires. Jusqu’à se retrouver dans l’impasse. Ou plutôt devant la porte de la liberté. 

« En 2017, j’ai démissionné. Je me suis retrouvée face à une page blanche, je savais ce que je n’aimais pas mais je n’avais pas encore d’idées de ce qui me faisait vibrer. » Pendant plusieurs mois, Camille explore et profite de ce qu’elle appelle le « vide fertile ». Elle lit L’entraide, l’autre loi de la jungle de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, passe son premier niveau en langue des signes, se forme au massage, fait du woofing, se rend disponible pour des associations… « Toutes ces expériences m’ont permis d’identifier là où j’étais utile. J’ai compris que je devais me tourner vers la transmission et la prise de parole sur les sujets de transition. »

Actrice de sa vie

Dans sa 3e vie qui commence en 2018, Camille monte son compte Instagram, commence par partager des éco-gestes (et beaucoup de fruits et légumes, sa passion), puis au fil des posts et des années  passe de l’individuel au collectif, du lifestyle à l’engagement plus radical, plus politique.

Dans son dernier reel, on la voit d’abord sur une chaise habillée d’une simple pancarte “On ne bat pas en retraite, on bloque jusqu’au retrait”, avant qu’elle nous embarque dans un « Maintenant que j’ai votre attention avec une photo nue : aujourd’hui on gueule ». Pendant 1 minute chrono, elle déroule son cri du cœur tout en nous présentant la tenue idéale à adopter pour aller manifester. « On sort nos tripes et on crie notre révolte face à l’injustice sociale et climatique, face aux mensonges, face au mépris des puissants et des riches qui piétinent nos acquis sociaux, nos droits, nos vies, notre santé, notre volonté. » À la fin de la vidéo, son grand sourire est caché derrière un masque, recouvert d’une écharpe, abrité derrière un parapluie. Camille, on ne rigole plus ? 

« J’ai une vraie joie militante, nous rassure celle qui ne se sépare jamais ni de sa frange ni de son sourire. Je trouve pas mal d’énergie dans les moments de vie communautaire. » Parmi ceux qui l’ont transformée durablement, la Caserne à Joigny figure tout en haut de la liste. « J’y suis restée deux mois pour suivre la formation Fertiles sur la gouvernance partagée, ça a changé ma vie. J’ai pu observer mes postures dans un groupe, ça m’a donné de la hauteur sur les outils que j’utilise. Et puis, j’ai rencontré des gens de confiance. Si dans 3 ans, je leur dis “allez on démonte un pipeline”, je suis sûre qu’ils viendront. »

Tester et approuver (ou pas)

Dans la série des expériences transformatrices qui changent votre existence, Camille a aussi testé le maraîchage, a même passé un BPREA, sésame agricole pour pouvoir un jour s’installer. « J’ai à la fois été bluffée par la magie de ce qui se passe quand tu mets une patate en terre et que tu reviens quelques mois plus tard et qu’il y en a 50. Mais j’ai été aussi saisie par ce métier piétiné par un système et une société qui ne le reconnaît pas à sa juste valeur. »

Quand elle est passée derrière la caméra, Camille a souhaité proposer de nouveaux imaginaires, requestionner nos modes de vie et donner de la matière à rêver. Au printemps 2022, son expérience de suppléante d’un candidat Nupes en Mayenne lui a fait prendre conscience qu’elle était légitime au même titre que n’importe qui. « On peut hacker le pouvoir, c’est pas si délirant et inaccessible que ça. Avant, je pensais que les gens à l’Assemblée Nationale avaient un degré de citoyenneté supérieure. Mais n’importe qui peut faire campagne. »

“M’interroger, tester, éprouver, raconter, c’est ça qui me guide aujourd’hui.”

Et la Camille d’aujourd’hui elle est où ? « Ma vie est hybride et c’est ce qui me convient le mieux. Je navigue entre ville et campagne, entre ancrage et nomadisme, je fréquente différents cercles, des militants, des personnes branchées écologie intérieure, des passionnés de gouvernance. Tous et toutes montrent que le monde de demain est déjà là. » À l’avenir, elle aimerait tester la vie ‘sans’, un concept qu’elle a découvert dans un Mooc des Colibris. « Dans la vie, on peut être dans le ‘pour’ et composer avec le pouvoir, dans le ‘contre’ et se tourner vers la désobéissance civile ou alors aller vers le ‘sans’. Le ‘sans’, ça veut dire imaginer une société sans capitalisme, sans racisme, sans patriarcat. C’est pas si facile mais j’ai envie de donner à voir ces micro-sociétés, ces expériences et ces espaces qui tentent de faire pivoter les choses. » 

Les prochains mois, la média-activiste qui a consigné son programme de l’année sur son portable, se verrait bien se tourner vers les low techs, l’autonomie énergétique, l’autoconstruction mais aussi le jeûne et la méditation. Et puis aussi se former à la nature qui l’entoure. « Je viens de commencer un mooc sur l’ornithologie de la LPO. » Et encore se mettre à la guitare. «

On va en avoir besoin, il nous faut du beau, du doux, du collectif. Quand je me repasse l’année 2022 dans ma tête, ce qui m’a marquée c’est la résidence avec le collectif le Bruit qui court pendant le festival Agir pour le vivant. On a fait un chant spontané, une véritable cathédrale sonore. C’était un incroyable moment de partage, une communion éphémère et  sensible de personnes qui luttent au quotidien.  Si je vis, c’est pour des moments comme ça. »


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