C’est quoi le problème avec les énergies fossiles ?

C’est quoi le problème avec les énergies fossiles ?

Peut-on revenir aux bases et se rappeler ce qui est tant problématique du côté des énergies fossiles ? Gaz, charbon, pétrole, en large et en travers, c’est maintenant. 
24 November 2023
par Vianney Louvet
6 minutes de lecture

Tout le monde en veut, tout le monde en parle, tout le monde se déchire autour d’elles. Les énergies fossiles sont désormais l’enjeu numéro un de tout sujet traitant de notre civilisation moderne et de sa transition écologique. Mais peut-on, juste le temps d’un article, revenir aux bases et se rappeler ce qui est tant problématique ? Les énergies fossiles, en large et en travers, c’est maintenant. 

Bonjour, on se connaît non ? 

C’est peut-être la première chose à faire dans cet article. Nous assurer qu’on sait bien d’où viennent nos amies fossiles.  

Comme leur nom l’indique donc, il faut remonter à un fort fort lointain pour connaître le début du film : 350 millions pour le pétrole, 650 millions d’années environ pour le gaz et le charbon. La recette est simple :  faites d’abord proliférer massivement la vie et la biodiversité sur une longue période. Prenez ensuite tous les restes de végétaux (surtout) et d’animaux en décomposition et recouvrez-les de couches de sédiments et de roches. Attendez quelques millions d’années… Et vous obtiendrez des gisements très riches en carbone, qu’on appelle les hydrocarbures. Chimiquement, l’hydrocarbure est une molécule composée uniquement d’atomes de carbone (C) et d’hydrogène (H). On parle donc d’énergie fossile, lorsqu’une énergie est stockée dans le sous-sol sous forme d'hydrocarbures.

Et ces gisements se retrouvent aujourd’hui un peu partout sur le globe terrestre… notamment, quasi systématiquement, dans des régions où les conflits et tensions géopolitiques sont exacerbés. On vous conseille par exemple “Le dessous des cartes” consacré au conflit Russo-Ukrainien. 

Deux informations pour finir : 

  • les sables bitumineux (mélange de pétrole, de sable, d'argile et d'eau) font également partie des énergies fossiles.
  • l’uranium à l’origine de l’énergie nucléaire n’est pas une énergie fossile. C’est un minerai, il n’y a pas eu d’être vivant au départ du processus de sa formation. En revanche, le point commun, c’est que ces matières premières en question sont en quantités limitées, donc non-renouvelables. Vous rencontrerez souvent l’expression “énergie fissile” concernant le nucléaire.  C’est en effet par la fission d'atomes d'uranium dans nos chères centrales que de la chaleur est produite, chaleur qui transforme de l'eau en vapeur et met en mouvement une turbine reliée à un alternateur qui produit de l'électricité. Énergie dite “bas carbone” - parce que ne rejetant pas de CO2 lors de la fission - mais produisant des déchets radioactifs dont on ne sait pas quoi faire, ne l’oublions pas. Fin de la parenthèse. 

L’énergie, une vieille histoire ? 

Les énergies fossiles sont apparues dans la vie humaine assez récemment. Jusqu’à il y a quelques siècles, le renouvelable, le vrai, régnait en maître sur notre secteur énergétique. 

Il faut d’abord rembobiner à 450 000 années avant ce bon vieux Jésus pour repérer les premières utilisations du feu comme source d’énergie servant le quotidien, les estomacs et la bonne ambiance. Il est suivi beaucoup plus tard, 4 millénaires avant JC, par l’émergence de l’animal et ses petits muscles comme source d’énergie, notamment au service des activités agricoles. Puis le vent, puis l’eau… Jusqu’au Moyen-Âge, le renouvelable comme on l’aime, est partout. Au Moyen-Âge justement, c’est le bois (qui représente 95% de l’énergie consommée à cette période) qui prend le relais. À tel point que la forêt grignotée a fini par alerter les responsables politiques de l’époque. 

Et la suite, on ne la connaît que trop bien. Au XVIIIe siècle, la découverte de la machine à vapeur entraîne avec elle la révolution industrielle et commence alors le festival de notre civilisation thermo-industrielle avide de charbon, de gaz et de pétrole. 

Pourquoi on ne peut plus faire sans elles

Pour devenir le carburant de nos vies, ces hydrocarbures sont brûlés (d’où le terme de combustion) et les produits issus de cette combustion vont nous fournir de l'électricité, de la chaleur et ainsi nous permettent de bouger. Ces hydrocarbures vont alimenter tous les processus menant à la création d’acier, de plastiques, bref : cette combustion est devenu notre nouveau respirateur artificiel. 

Dans chaque détail de nos vies, le moindre geste, il y a fort à parier que l’énergie fossile y ait apporté son grain de sel. Notre copain Jean-Marc Jancovici, ingénieur star de l'énergie, vous expliquera mieux que quiconque la place démente qu’a pris l’énergie fossile dans notre vie. Prenez-vous un temps avec toute la famille pour regarder cette vidéo - qui ne dure que… 3 heures - vous passerez un super moment. 

Et si elles sont partout, c’est qu’elles doivent nous faire du bien, non ? 

Et là c’est le drame

La capacité colossale des machines à accomplir ce que nous ne pouvons pas accomplir à considérablement haussé le niveau de vie d’une partie des humains habitant cette planète Terre. Mais cette hausse du niveau de vie cache derrière elle un basculement dans une ère où il ne sera plus question de “mieux vivre” mais bien de “vivre”, simplement. Trois principales raisons à cela :

La première c’est que  les combustibles fossiles libèrent de la chaleur et du dioxyde de carbone (superstar parmi d’autres gaz à effet de serre) qui à son tour par l’effet de serre piège la chaleur dans notre système Terre, point de départ de la catastrophe dans laquelle nous sommes entrés silencieusement.  

La seconde, c’est qu’avant même de cramer nos espoirs et de rejeter des gaz à effets de serre, ces énergies détruisent le vivant. On l’a expliqué, ces hydrocarbures sont enfouis loin sous nos pieds, et cela implique une extraction non seulement elle-même très énergivore mais en plus très néfaste pour notre environnement. Les forages pétroliers nécessitent souvent de raser des forêts pour installer le matériel, les machines de pompage. En mer, c’est la même, mais en version bleue : les plateformes offshore sont, en plus des dégâts sur les sols marins causés par les constructions, des risques de marée noire permanents, tout comme les oléoducs et les gazoducs qui acheminent tout le précieux sésame vers les continents.

La troisième est beaucoup moins médiatisée mais tout aussi effrayante. Imaginons que tout ça n’ait aucun impact sur le climat, il resterait un énorme hic. Les pollutions de l'eau, de l'air et du sol provoquées par l'utilisation des énergies fossiles réunies sont la première cause de mortalité dans le monde. Les chiffres sont fous : trois fois plus de morts que le VIH, le paludisme et la tuberculose réunis. Les crasses silencieuses qu’amène notre boulimie d’énergies fossiles sont innombrables (troubles neurologiques, impact sur la formation des fœtus, maladies respiratoires, cancers…). La pollution de l’air a provoqué 238 000 morts prématurées dans l’Union européenne en 2020. En Inde, ce sont 1,67 million de décès prématurés, dont près de 17 500 rien qu’à New Delhi.

On tente un truc ?

Face à tout cela, trois choses sont à regarder : 

  • Nous-mêmes. Une grande humilité s’impose quand on dénonce l’utilisation massive d’énergies fossiles et qu’on est, grosso modo, dans un mode de vie occidental. Nous dénonçons une tempête que nous-mêmes provoquons. Nous aggravons la situation par nos quotidiens gavés d’électricité et de pétrole.
     
  • Le futur. Plus nous retardons les actes menant à une réelle décroissance, plus les efforts nécessaires deviendront radicaux. “Si la réduction des émissions mondiales de CO2 avait été engagée en 2018, l’humanité aurait pu se contenter d’une baisse annuelle de 5 % jusqu’en 2100 pour limiter le réchauffement à 2°C. Amorcer ce travail colossal en 2020 demanderait de maintenir une réduction de 6 % par an jusqu’à la fin du siècle” explique Victor Court, enseignant-chercheur en économie à IFP School. 

  • Les maîtres du jeu. Les multinationales sont aujourd’hui la cible principale de ceux et celles qui souhaitent accélérer la décarbonation du monde. Et même dans leur logique financière, maintenir la bataille des énergies fossiles à tout prix est perdant. Unilever perd 300 millions d’euros par an à cause des phénomènes météo extrêmes. Pour l’assureur Loyd’s of London, le coût des catastrophes naturelles a grimpé de 870 milliards depuis 1980. Dans le même élan que celui de Victor Court, notons que l'ex-vice-président de la Banque mondiale Nicholas Stern, avait révélé dans un rapport il y a déjà deux décennies que les dommages causés par le réchauffement seraient 5 à 20 fois supérieurs aux «sacrifices» à consentir pour lutter efficacement contre l'effet de serre. À l’époque, il évaluait l'action nécessaire à la transition coûterait chaque année à 1% du PIB mondial face aux 20% nécessaires à réparer les dégâts du scénario business-as-usual. Depuis, de nombreux économistes ont repris ce rapport et prouvé qu’il sous-estimait largement la réalité. 

L’équation est ultra-complexe, la solution loin d’être simple. Une seule direction à suivre : ralentir, réfléchir et survivre. 


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