Les investisseurs devraient pouvoir dire : “Un mec ou une nana qui n’a pas planté une boîte, moi je ne les finance pas.”

Les investisseurs devraient pouvoir dire : “Un mec ou une nana qui n’a pas planté une boîte, moi je ne les finance pas.”

Jérôme Schatzman, entrepreneur et directeur d’Antropia ESSEC revient sur son parcours et sur le droit fondamental de se planter.
04 October 2022
2 minutes de lecture

Entrepreneur tous terrains, Jérôme Schatzman est aujourd’hui directeur exécutif de la chaire d’entrepreneuriat et d’innovation à impact de l’ESSEC et directeur de l'accélérateur Antropia. Il y a maintenant 20 ans, il a créé Tudo Bom une marque de vêtements équitables made in Brasil. Aujourd’hui, il revient sur cette aventure qui a duré une dizaine d’années.


« Lorsqu’on a lancé cette marque de vêtements à l’aube des années 2000, il fallait à la fois défricher le secteur de la mode éthique et celui du e-commerce. J’y suis allé en mode kamikaze sans même prendre le temps de faire une étude de marché, j’ai entrepris au culot. Pourtant, connaître son produit et son marché c’est vraiment l’investissement à ne pas négliger. »

Lorsqu’il démarre, Jérôme et sa petite équipe décident de traiter tous les enjeux en même temps. L’industrie du textile est polluante ? Tudo Bom s’attaquera à la culture de coton bio. Les ouvrières sont mal payées ? L’entreprise travaillera directement avec des petits ateliers et rémunèrera les femmes à un prix juste. « On voulait tout faire, tout de suite, tout le temps. C’est une erreur, surtout quand ton entreprise est petite. Il faut plutôt choisir tes priorités, voir ce que tu peux vraiment changer. Nous, on n’a jamais été capables d’enlever un aspect du projet. On prenait la responsabilité de tout, on était trop idéalistes. Veja qui avait démarré à peu près en même temps que nous avait un produit plus réfléchi par rapport au marché mais aussi un choix de production moins complexe. Ils sont encore là aujourd’hui et n’ont jamais cessé de cartonner. »

Mais à quel moment changer de direction ou même renoncer ? « Ce qui est difficile quand tu as monté ton projet, c’est de savoir à quel moment tu dois l’arrêter. Plusieurs fois, j’y ai pensé mais je n’y arrivais pas, je me sentais coupable vis-à-vis des gens qui bossaient pour la marque, vis-à-vis des couturières brésiliennes. Et puis un jour, le truc s’est imposé. En vrai, j'aurais pu arrêter 4 ans plus tôt. Le fail fast, c’est pas grave, c’est même salutaire. Aux États-Unis on dit que l’entrepreneuriat c’est une suite de cycles de 18 mois et qu’à chaque point de passage, tu dois te poser des questions, voir si tu es en situation de continuer. J’aime bien cette idée “d’examen de conscience” régulier. »

Quels sont les points de vigilance à examiner ?  « Dans l’entrepreneuriat social, il n’y a pas que le modèle économique à regarder. Il faut aussi te demander si tu as un impact sur le problème que tu voulais résoudre. Chez Tudo Bom par exemple, on n’arrivait pas à aller contre la surproduction de fringues, on devait faire des soldes pour écouler nos stocks. C’était un truc d’impact pas satisfaisant. Tu peux aussi te demander si tu es efficace dans ta gestion, si tu offres des bonnes conditions de travail parce que ce n'est pas parce que tu fais le bien que tu ne dois pas le faire bien. Globalement, il ne faut pas s’entêter et se dire que chaque expérience te ressert pour la suivante. En France, on devrait réhabiliter la culture de l’échec. Ça serait sain qu’un jour les investisseurs puissent dire : “Un mec ou une nana  qui n’a pas planté une boîte, moi je ne les finance pas. »


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