Quand l'entrepreneuriat social fait campagne

Quand l'entrepreneuriat social fait campagne

Quand le Mouves interroge les candidats à la mairie de Paris sur la place qu'ils compte consacrer à l'économie sociale et solidaire à Paris, lors de leur mandat.
02 March 2020
par Hélène Binet
6 minutes de lecture

Paris sera-t-elle la future capitale de l’économie à impact positif ? Vendredi 28 février, à quinze jours des élections municipales, la question était posée aux 5 principaux candidats et candidates à la mairie de Paris par un collectif de structures engagées dans l’économie sociale et solidaire : le MouvesTech for goodAshoka, le centre des jeunes dirigeants d’entrepriseB LabTicket for change et makesense.

Pendant plusieurs mois, les spécialistes de l’entrepreneuriat à impact ont planché sur des propositions-clés pour les futur.es maires de la France entière. Nous souhaitons que les entreprises sociales soient présentes dans la campagne municipale à travers des propositions ambitieuses soutenues par des entrepreneurs engagés sur le terrain pour préserver le capital humain et naturel de leur territoire, expliquent-ils dans leur manifeste “je rejoins l’alliance pour l’économie de demain.” La note en trois actes a été soumise aux 5 principaux chef.fes de file en lice pour Paris : Anne Hidalgo, Rachida Dati, David Belliard, Agnès Buzyn, Cédric Villani.

Dix propositions pour les villes

La salle du Ground control à Paris est pleine, d’entrepreneurs, de spécialistes de la question de l’impact, de journalistes, de curieux. La session démarre par un résumé des 10 propositions sur lesquelles les futur.es élues sont invité.es à réagir. Citons en vrac la création de structures d’accueil spécifiques pour les entreprises de l’ESS, une sorte de Station F de l’impact, la mise en place d’un social et environnemental business act pour orienter plus massivement les marchés publics vers les entreprises engagées dans la transition écologique et solidaire. On trouve également dans la liste des doléances le lancement de défis participatifs pour encourager la création de projets entrepreneuriaux et citoyens : tous unis pour le zéro déchet ou pour le zéro SDF, par exemple. Parce que l’innovation sociale a aussi besoin d’argent pour se déployer, une des propositions consiste en la création d’un fonds de dotation… Et parce qu’il lui faut briller aussi, l’institution d’un lieu totem qui pourrait faire rayonner l’engagement de la capitale dans le monde entier. Un genre de Champs-Elysées de l’impact…

Moi, maire de Paris…

Cinq minutes pour réagir, voilà la consigne donnée aux candidat.es et c’est David Belliard, le seul à ne pas s’être fait représenter, qui se lance puisque la prise de parole est organisée par ordre alphabétique. Il y a une urgence climatique, sociale, démocratique, il faut transformer la ville, la vie et pour cela on a besoin des acteurs économiques à impact, commence-t-il. On va changer la politique publique avec une règle d’or : chaque euro dépensé doit l’être sur la question climat, de la justice sociale et de la démocratie. Pour l’écologiste, l’ESS ne doit plus cohabiter avec l’économie traditionnelle mais devenir la norme. Dans cette logique de substitution, le candidat n’imagine pas une seule rue de l’impact mais une ville toute entière vouée à ce sujet. Aujourd’hui, il est urgent de changer d’échelle, il faut pérenniser un certain nombre d’actions et pour cela, elles ont besoin de se mutualiser. Pour évaluer en continu l’impact de sa future politique publique, David Belliard propose de créer un conseil du climat dont une partie des participants sera tirée au sort, parmi ceux-ci figureront des entreprises à impact. Enfin, il prévoit de concentrer toutes ces actions sur les quartiers politiques de la ville.

Sandrine Mazetier, représentante d’Agnès Buzyn lui emboîte le pas. La ville inclusive que nous défendons s’appuie sur le modèle que vous proposez. Nous considérons qu’on peut aller plus loin dans le développement de ce modèle d’économie à impact qui doit être de plus en plus intégré. La représentante de la candidate La République En Marche rappelle que la ville peut mobiliser ses locaux et les mettre à disposition des acteurs de proximité. Dans la proximité on peut avoir un impact plus important. La solidarité c’est le lien immédiat, le geste, la main tendue. On pourra créer des baux progressifs pour les acteurs économiques de proximité. Sur le terrain du financement, la tête de liste du 12e arrondissement considère que l’incubateur public devra dialoguer avec les incubateurs privés. Vous demandez qu’on embarque tous les acteurs ? rappelle-t-elle. La ville peut créer une plateforme pour que l’on puisse trouver rapidement l’info. Cela permettra aux parisiens de gagner en temps et en générosité.

Aurélien Véron, représentant de Rachida Dati enchaîne en rappelant d’emblée que, selon lui, le rôle de la mairie se situe plus du côté de la facilitation, de l’accompagnement que du financement. Une station E comme environnement, pourquoi pas ? annonce-t-il. La tête de liste dans le centre de Paris estime également qu’un small business act pourrait être intéressant tout en rappelant aussitôt qu’il ne croit pas à la contrainte mais est plutôt favorable à l’accompagnement positif. Pour lui, la concertation est primordiale. Elle commencera le 22 mars après les élections.

Bilan ou perspective ?

Nous voilà rendus à la lettre H comme Hidalgo avec son représentant Manuel Grégoire qui consacre les trois quarts de son intervention au bilan de la précédente mandature. L’économie sociale et solidaire a connu une accélération phénoménale à Paris avec notamment l’ouverture de la Maison des Canaux . Manuel Grégoire rappelle que l’achat public responsable est en vigueur depuis 2006, que 12% des marchés publics intègrent des clauses sociales. En faisant 15, 20 lots, nous avons massivement favorisé les structures de l’ESS. Parmi les réalisations, il cite également le fonds Paris Innovation Amorçage qui a permis d’investir 60 millions d’euros dans des projets à impact, le passage de 5000 m2 de locaux mis à disposition des entreprises sociales et écologiques en 2001 à 250 000 m2 aujourd’hui, le business act déjà en place… Nous sommes en train de changer de paradigme, dans les objectifs collectifs, la question de l’impact social et environnemental est un souci de société et la ville de Paris a vocation à l’accompagner.

Last but not least, Rayan Nezzar. Le représentant de Cédric Villani articule son intervention autour de 5 mots-clé. 1.Éduquer aux nouvelles technologies, notamment les jeunes. 2.Simplifier la vie des entrepreneurs, à l’image des small centers aux États-Unis. 3.Stimuler par la commande publique. On lancera un plan hydrogène pour que tous les bus roulent avec cette énergie propre. 4. Accélérer, avec la création dans Paris d’une fabrique civique comme il en existe à New York, qui réunit scientifiques, élus, entrepreneurs, citoyens pour avancer sur le bien commun. 5. Embarquer dans l’alimentation locale mais aussi dans la rénovation des bâtiments. Il faut rénover 10 fois plus vite aujourd’hui qu’hier pour répondre aux accords de Paris. Et de conclure : mettre l’esprit d’innovation au service d’un esprit de progrès, ce sera l’esprit de toute la capitale.

On récapitule ?

Pour être bien sûre d’avoir compris la position de chacun.e, Eva Sadoun, co-fondatrice et présidente de Lita repose deux questions fermées : êtes-vous d’accord avec nos 10 propositions et prêts à ce que 100% des marchés publics contiennent des éléments sociaux et écologiques ? Oui franc et net pour David Belliard, Anne Hidalgo et Cédric Villani. Demi-non pour Rachida Dati qui ne veut pas de fonds municipal d’investissement mais propose de travailler sur un cap commun ensemble, ne restons pas dans le binaire. Du côté d’Agnès Buzyn ce sera un ni oui ni non ou plutôt et oui et non notamment parce que sur l’achat public il est facile de mettre des clauses mais plus difficile de les faire respecter.

Avant de passer aux votes, dernière question cash du public aux abonné.es absent.es. Qu’est-ce que les têtes de liste avaient de mieux à faire à 14h ? Qu’est-ce qui pour elles est plus prioritaire que la transition ? Les mots d’excuse fusent : Rachida Dati gère une situation d’urgence dans le 7e arrondissement où la chute d’un arbre sur la chaussée a entraîné la mort d’un automobiliste. Anne Hidalgo est avec le Préfet au sujet du coronavirus, Cédric Villani est en visite de terrain sur le thème du compostage. Quant à Agnès Buzyn… franchement je n’en ai aucune idée, avoue Sandrine Mazetier. 

L’épreuve des discours est terminée, le public est invité à voter. L’ordre alphabétique ne sera cette fois pas respecté. David Belliard arrive en tête avec 48% des voix, suivi par Villani (27%), Hidalgo (23%), Dati et Buzyn ex aequo (2%). Deux heures d’intervention pour deux pour cents c’est pas un super ratio, confie Sandrine Mazetier en descendant de la scène. Allez, rien n’est encore joué ! Rendez-vous le 15 mars pour les élections pour de vrai.

[Merci au Mouves d’avoir organisé cette rencontre en prime time, on y voit plus clair sur ce sujet.]


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