Portrait robot des écolos (statistiques à l’appui…)

Portrait robot des écolos (statistiques à l’appui…)

Mais qui sont les écolos aujourd’hui ? Les chercheurs en sciences sociales de Quantité Critique ont mené l'enquête. Verdict !
15 April 2021
6 minutes de lecture

Mais qui sont les écolos aujourd’hui ? En 2018, en pleine marche pour le climat, les membres de Quantité Critique, un collectif de chercheurs en sciences sociales, ont distribué des questionnaires dans les milieux militants. De mains en mains, de proches en proches, l’étude Il est temps a cumulé les données de 250 000 répondants ! On vous les présente ?

Pour des intellectuels de haut rang (#blague) comme Zemmour et Onfray, le mouvement écologiste n’a plus de secrets : c’est un groupuscule d’idéologues, obsessionnels de la trottinette, végétariens sur les bords et radicaux-islamistes aux entournures… D’ailleurs, “le vert des Verts correspond, comme par hasard, au vert de l’islam” – CQFD.

On remercie bien bas ces messieurs de nous débiter en continu de telles platitudes. Mais ne pourrions-nous pas entrer dans les nuances et mieux cerner le profil des écologistes aujourd’hui, en France ? En décembre dernier, Quantité Critique publiait sa première analyse basée sur 35 000 résultats. Au-delà des clichés, ce rapport éclaire un mouvement écologiste bien plus diversifié qu’on ne pourrait le croire. 

Trois attitudes face à l’écologie

Les auteurs de l’étude reconnaissent d’abord un biais : le questionnaire n’a pas circulé de manière uniforme dans la population française. Il a surtout été partagé dans les milieux proches des manifestations pour le climat, notamment sur des forums et sur Facebook. Néanmoins, certaines personnes hostiles au mouvement écologiste se sont aussi données la peine de répondre, peut-être pour “pousser un coup de gueule”. Au final, trois groupes se distinguent...

Les écologistes (58% des répondants). Pour eux, le capitalisme et l’écologie ne sont pas compatibles ; s’il fallait choisir, l’écologie devrait primer. Ils ne croient pas vraiment que les innovations technologiques permettront de régler les problèmes et sont plutôt pessimistes quant à l’avenir…

Les environnementalistes (38%).  Moins engagés que le premier groupe, s’ils critiquent le capitalisme, ils croient que celui-ci peut être réformé progressivement, et ne voient pas vraiment la décroissance comme une alternative crédible. Sans surprise, ils expriment une plus grande confiance dans l’évolution de la technique.

Les productivistes (4% des répondants). Leur attitude face à l’écologie va du désintérêt à la franche opposition. Pour eux, l’économie n’est pas contradictoire avec l’écologie ; de toute façon, s’il fallait privilégier l’un des deux, ce serait l’économie. Il ne faudrait pour autant par caricaturer ce groupe : de manière assez surprenante, même les “anti-écolos” revendiqués sont préoccupés par l’état de la Nature. Seulement, leurs préoccupations ne concernent pas le réchauffement climatique, mais plutôt la santé, la propreté, ou la préservation des paysages...

Crédit : Extinction Rebellion

Ni de gauche, et surtout ni de droite

C’est le credo que professent les nouveaux mouvements comme Extinction Rebellion ou Youth for Climate : l’écologie serait apolitique. Même chez les Verts, on enfourche maintenant cette cette idée rassembleuse...

Pourtant, s’il est vrai que les thématiques environnementales sont désormais présentes dans tout le spectre politique, elles n’occupent pas le même imaginaire, n’inspirent pas les mêmes actions ni les mêmes stratégies… De fait, les analyses de Quantité Critique montrent que plus on est à gauche, plus on est militant engagé ; plus on est à droite, plus on est hostile à l’écologie politique.

Pourtant, il existe bien un élément transpartisan qui rassemble tout le monde : la crise de confiance du public envers les institutions internationales et les gouvernements. Pour compenser, à gauche, on fait confiance aux citoyens et leur capacité de mobilisation. A droite, on ne fait confiance à personne.

L’écologie : une pratique individuelle ?

Peut-on changer le monde sans se changer soi-même ? Les sympathisants de la cause écolo répondent en grande majorité que “non”. Tous ont tendance à choisir précautionneusement leurs produits. Dans le groupe des écologistes, on va souvent plus loin :  on pratique le boycott de certaines marques, on réduit sa consommation de viande, on vise le zéro déchet… 

Loin de cette ascèse, le groupe des environnementalistes montre moins de motivation. Ce qui est paradoxal ! Car les environnementalistes, qui n’ont pas de velléités révolutionnaires, sont justement les premiers défenseurs du “changement par la consommation”. Cette apparente contradiction s’explique peut-être dans la mesure où plus on est optimiste, plus on croit que le capitalisme et la technologie vont apporter des solutions aux problèmes actuels, moins le sentiment d’urgence pousse à l’action...

Sans surprise, dans le groupe des productivistes, la plupart des répondants n’ont aucune intention de modifier leurs habitudes.

Et l’action collective ?

Les répondants au questionnaire sont des rebelles, qui soutiennent à 80% la désobéissance civile (à divers degrés) ; la majorité s’exprime en faveur des ZAD ; un tiers considère même que la violence est parfois acceptable, voire nécessaire. 

Encore une fois, le prisme politique permet d’y voir plus clair. Les désobéissants sont majoritairement de gauche, dans le groupe des écologistes. Par contre, les environnementalistes sont plus attachés à la légalité et condamnent carrément la violence. Mais s’ils la condamnent, c’est qu’ils la jugent contre-productive, tandis qu’à droite, chez les productivistes, on condamne la violence car on la juge intolérable - un point c’est tout.

Crédit : Il est temps - ARTE

L’écologie : une pratique sexuée ?

Que l’on soit homme ou femme, on ne pense pas à la Nature de la même manière. En fait, le sexe détermine plus les comportements que les clivages politiques !

Côté femme, on considère que la crise écologique est la plus urgente de toutes. Surtout, on fait plus d’efforts sur soi : 47% des femmes pensent par exemple qu’il faut arrêter la viande, contre seulement 29% des hommes. Par ailleurs, les femmes surinvestissent l’espace domestique : elles choisissent l’alimentation, pratiquent le tri, ou boycottent certains produits…

Par contre, les hommes vont plutôt s’engager dans l’espace public en adaptant leur carrière, leurs loisirs, ou leurs moyens de transport - ils sont d’ailleurs les premiers à préconiser le vélo. Nous retrouvons là tous les “clichés” de l’identité masculine, tournée vers l'extérieur et le développement physique.

Si l’écologie reproduit les inégalités de genre, elle peut aussi les subvertir. De façon surprenante, par exemple, les femmes sont plus motivées par une révolte de grande ampleur - prêtes pour la bagarre. De même, les hommes qui voient l’écologie comme une absolue priorité vont s’investir dans l’espace domestique et s’occuper des achats. Comme quoi rien n’est figé.

L’écologie, un truc de riches ?

C’est un cliché qui tombe : il existe, parmi les écologistes, une bonne proportion de classes populaires. Mais chez les pauvres, l’écologie n’est pas la même que chez les riches. La première différence concerne la sensibilité. En effet, les classes populaires sont inquiétées par la pollution et la condition animale, tandis que les cadres se disent plutôt concernés par le climat.

Chez les plus pauvres, les difficultés économiques renforcent le sentiment d’urgence, et l’idée que la crise écologique est aussi une crise du capitalisme. Bizarrement, ce sont aussi ces classes populaires qui tendent à dire que l’écologie n’est “ni de droite, ni de gauche.”

Enfin, les pratiques ne sont pas les mêmes chez les pauvres et chez les riches. Logiquement, les premiers vont privilégier les actions qui ne coûtent rien, ou qui soulagent le porte-monnaie, comme nettoyer sa boîte e-mail, ou même (plus radical) refuser de faire des enfants… Les riches, eux, préfèrent manger bio et rouler en électrique. 

Notons tout de même que les cadres ne forment pas un ensemble homogène. Les travailleurs du secteur public, comme les métiers liés aux sciences humaines et sociales, sont les plus engagés. De l’autre côté du spectre, les diplômés de droit et d’économie tendent à se la couler douce, faisant confiance au système économique actuel pour nous tirer de là.

Mais alors (bon sang), comment reconnaître un écolo dans la rue ?

Nous tirons une leçon du rapport de Quantité Critique : il n’existe pas UN mouvement écologiste, mais DES sensibilités et DES pratiques écologistes qui touchent pratiquement tous les groupes de la société. Hommes et femmes. Riches et pauvres. Jeunes et vieux.

Une complexité dont il faut maintenant prendre compte, et que nos penseurs d’élite s’empresseront sûrement de rétablir dès leur prochaine intervention télévisée.

Retrouvez l'ensemble des résultats de cette enquête Il est temps et les super contenus réalisés par Upian et Arte ici.


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