Mestishima :  “aider l’autre à s’en sortir, c’est contribuer au vivre-ensemble”

Mestishima : “aider l’autre à s’en sortir, c’est contribuer au vivre-ensemble”

En France et en Côte d’Ivoire, l’association Metishima met tout en œuvre pour redonner à chacun le droit de choisir sa destinée.
25 November 2021
par Hélène Binet
4 minutes de lecture

Tu veux faire quoi quand tu seras grand ? Pour les personnes non éduquées ou issues de la migration, les rêves d’avenir se heurtent trop souvent à la réalité des portes qui se referment. En France et en Côte d’Ivoire, l’association Metishima met tout en œuvre pour redonner à chacun le droit de choisir sa destinée. 

Marie Doue Gossan est arrivée en France il y a une vingtaine d’années, au moment où ça commençait à tanguer politiquement dans son pays natal. La jeune ivoirienne diplômée cherche alors à s’intégrer en France. Devant les difficultés d’y arriver seule, elle se met en quête de comprendre le fonctionnement de sa société d’accueil, comment trouver une formation qui aboutirait à un emploi qui, lui-même, la conduirait vers la voie de l’intégration. « J’avais des difficultés pour trouver un emploi, confie la fondatrice de l’association Mestihima. J’ai commencé en tant qu’intégrateur web, cumulé plein d’expériences puis j’ai atterri dans une mission locale fréquentée par 98% de personnes comme moi, migrantes ou enfants de migrants. »

Marie accompagne alors les jeunes dans leur recherche d’emploi et de formation et revit ce qu’elle a connu quelques années auparavant. « La France est un pays qui laisse sa chance et qui donne tout pour aller de l’avant. Quel que soit l’âge on peut reprendre ses études et avancer mais tout devient très compliqué quand on ne connaît pas les arcanes du système et qu’on n’a pas le réseau. Quand on ne sait pas à quelle porte frapper on tourne en rond. » Mettre de l’huile dans la machine de recherche d’emploi pour les personnes issues de la migration, devient alors la préoccupation numéro 1 de Marie qui créée en 2016 Mestihima, fusion de Métis » et « Heshima » qui signifie « Dignité » en swahili, une langue parlée en Afrique de l’Est.

Construire des écoles, déconstruire les préjugés

L’idée puise les racines de son projet dans son histoire personnelle. Orpheline de mère à l’âge de 4 ans, Marie a été élevée par son oncle maternel, prescripteur de formation et d’emploi pour toute la famille. « J’ai vu mon oncle apporter son aide aux personnes vulnérables, soutenir celles et ceux qui étaient dans le besoin. Chaque année, de nouvelles personnes de la famille envoyaient leurs enfants chez mon oncle pour poursuivre les études ou chercher un emploi. Sa maison était conviviale, vivante, joyeuse ! » Marie saisit ce qui sera le moteur de son association : « aider l’autre à s’en sortir, c’est contribuer au vivre-ensemble, s’accepter et accepter l’autre. Mon parcours de vie m’a permis de le comprendre. »

L'égalité des chances commence par l'éducation.

En 2016, Marie attaque donc le problème de l’égalité des chances par les deux bouts. En Côte d’Ivoire, son association soutient la construction d’établissements scolaires et donne accès à l’éducation aux enfants, sésame d’intégration. En France, par des interventions dans les écoles, elle s’attelle à déconstruire les préjugés sur la question de la migration auprès des jeunes pour préparer le terrain du vivre ensemble. Il y a deux ans, Marie ouvre une nouvelle voie. Son idée ? Connecter les personnes issues des migrations et les employeurs pour permettre aux deux mondes de se rencontrer, de s’ouvrir à l’autre et de se découvrir et de s’écouter. Cela passe par de l’écoute pour bien cerner les besoins, de l’accompagnement personnalisé étape par étape, de la mise en relation avec les employeurs. « Ce qui fait notre force, c’est un suivi individualisé et global, précise Marie. Selon la nature du projet, le parcours peut prendre plusieurs années. »

Premières victoires, premiers espoirs

En moins de deux ans, l’association incubée chez Singa puis chez makesense a accompagné 200 personnes réfugiées parmi lesquelles Bakary Tounkara, d’origine malienne qui a quitté son pays pour des raisons politiques. Lorsqu’il arrive en France, le jeune homme cherche à reprendre ses études là où il les avait laissées, c’est-à-dire à Bac +3. C’est le parcours du combattant, son diplôme n’est pas reconnu, sa situation n’est pas encore régularisée… Lorsqu’il rencontre l’équipe de Metishima, tout s’éclaire. « J’ai fait pas mal d’ateliers pour apprendre à faire des CV, des lettres de motivation. Metishima m’a orienté et suivi jusqu’au bout. Grâce à Marie et au soutien de l’association, j’ai trouvé une école, je suis tellement reconnaissant. »

C’est au cours d’un job dating organisé par Metishima que Laurine Granger, responsable du recrutement chez Orpea a rencontré Alim, jeune Afghan de 20 ans qui a fui son pays. « Ça a été un coup de cœur, j’ai tout fait pour qu’il soit recruté dans un de nos établissements et qu’il reçoive une formation d’aide soignant. Son histoire m’a touchée, Alim est arrivé en 2018 sans connaître la langue française. Il a pris des cours de français, a rédigé sa lettre de motivation tout seul. Il est très motivé, très humain. » 

Parmi les organismes partenaires de Metishima, la RATP figure elle aussi en bonne place. Avec 4000 recrutements par an, tous profils confondus, de pas de diplôme à bac +++, la compagnie de transports est l’un des plus gros recruteurs en Île-de-France. « Tous les profils nous intéressent, explique Catherine Blec, responsable d’ingénierie sociale. On a du mal à recruter sur certains postes spécifiques. » Pour y remédier, la RATP organise régulièrement des ateliers de 3 heures pour faire connaître les métiers du transport auxquels participent régulièrement les réfugiés de Metishima. Plusieurs personnes ont ainsi été recrutées.

Le chemin est encore long pour l’association. « Le principal point faible du système d’intégration français concerne l’accès au marché du travail, explique Marie. Le taux d’emploi des primo- arrivants est de 25 points inférieur à celui des personnes nées dans le pays  et il n’atteint que 35 %.»  Alors, en attendant le plein emploi pour les personnes réfugiées, Metishima s’accroche aux valeurs transmises par son oncle et à son bâton de pèlerin. Au fait, comment dit-on “bonne route” en swahili ? 


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