Les fondations, les entrepreneurs et le changement systémique

Les fondations, les entrepreneurs et le changement systémique

Il faut un changement systémique, en profondeur. C’est en tout cas une conviction forte, et de plus en plus partagée chez ceux qui prônent l’intérêt général…
16 December 2021
5 minutes de lecture

Nous faisons face à une crise écologique, politique, économique. Il est peu probable que nous franchissions cette épreuve en manipulant quelques boutons, en modifiant les réglages de notre machine sociétale. Non. Ce qu’il faut, c’est un changement systémique, en profondeur. C’est en tout cas une conviction forte, et de plus en plus partagée chez ceux qui prônent l’intérêt général…

Pour que ce type de changement devienne réalité, les entrepreneurs à impact sont aux premières loges. Mais dans quelles conditions ? Comment permettre aux meilleurs projets d’éclore, d’atteindre la maturité nécessaire pour apporter des solutions concrètes aux défis d’aujourd’hui ? Pour les accompagner tout du long, les fondations publiques ou privées ont un rôle essentiel à jouer.

Dans le cadre d’une matinée baptisée “Graines de Futur - comment l'entrepreneuriat à impact dessine l'économie de demain ?”, makesense organisait trois tables rondes pour évoquer divers aspects du changement systémique. La première, animée par Basile Michardière (makesense, Mouvement Impact France) faisait la part belle aux fondations, ces objets hybrides, méconnus, mais aussi d’indispensables accompagnateurs du progrès sociétal. 

Pour en discuter, nous avons reçu Marie Astrid Raoult (Fondation Carrefour), Enora Hamon (Fondation la France s’engage), Marion Ben Hammo (Fondation de France), et Fabienne Marqueste (Fondation EY). 

Quel type d’entrepreneur les fondations cherchent-elles ?

Plusieurs mots, plusieurs définitions. Tous les intervenants n’ont pas les mêmes critères pour évaluer le bon projet, ou le bon entrepreneur. Et pourtant, leurs sensibilités convergent vers une même idée...

Basile, par exemple, aime parler “d’entrepreneurs à impact”, c'est-à -dire un entrepreneur dont le but est la résolution d’un défi social ou environnemental, pouvant être rattaché à l’un des dix-sept Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Par ailleurs, l’entrepreneur à impact doit explorer de nouveaux modes de gouvernance, où le pouvoir et la richesse sont mieux partagés que dans les entreprises traditionnelles. Enfin, l’entrepreneur à impact doit avoir une volonté farouche de collaborer avec tous les acteurs de son écosystème : les collectivités territoriales, les collectifs citoyens, les petites et les grandes entreprises, etc.

Enora valide ce point, mais précise qu’à la France s’engage, “on ne parle pas d’entrepreneur à impact, mais d’impact social, d’innovation, de capacité à changer d’échelle”. Chacun son lexique. D’ailleurs, elle ajoute : “Dans le fond, on parle des mêmes choses.” 

Afin de repérer les bons profils, sa fondation met en place un concours de grande ampleur. Les projets qui cochent le plus de cases, et qui les cochent le mieux, seront sélectionnés pour un accompagnement. Surtout, cette fondation d’utilité publique (née en 2014 sous la forme d’un programme gouvernemental), porte une attention particulière à la notion de changement d’échelle sur les territoires ; le but, c’est que les projet s’ancrent, localement, et développent des racines à l’intérieur de leur région.

Les autres fondations n’organisent pas de concours et misent plutôt sur les candidatures spontanées ou le bouche-à-oreille. La Fondation d’entreprise EY se focalise plutôt sur les petits projets issus de l’ESS, tandis que la Fondation d’entreprise Carrefour se concentre sur les projets de transition alimentaire. La fondation abritant Fondation de France, quant-à-elle, soutient des projets sur tout le territoire et dans presque tous les domaines : culture, éducation, recherche, aide aux personnes vulnérables...

Les fondations ne sont pas que des mécènes !

Une fondation peut soutenir un entrepreneur avec des moyens financiers, mais aussi des conseils stratégiques ou juridiques, une expertise technique… Ce sont les modes d’action les plus courants. Chez la Fondation EY, par exemple, ce sont les salariés eux-mêmes qui décident, sur la base du volontariat, de mettre leurs compétences au service des projets qui leur parlent.

Tous les intervenants de la table ronde ont aussi mis en avant la question du réseau. Car être accompagné par une fondation, c’est bénéficier de toutes ses connexions avec le monde institutionnel et les autres entrepreneurs ayant bénéficié du même patronage. Enora donne l’exemple du projet nommé l’Ascenseur, qui fédère une vingtaine d’organisations (unies pour l’égalité des chances), et dont la moitié sont lauréates du concours la France s’engage. Elle rappelle aussi que de beaux projets peuvent naître de rencontres improbables, comme celle de deux porteurs de projets, lauréats du concours la même année ; le premier vit sur Arras, le second en Haute-Garonne ; ils ne travaillent pas sur les mêmes problématiques, et pourtant, leur union fait des étincelles… Car en plus de leurs projets respectifs, ils décident d’ouvrir un tiers-lieu à Béthune ! “C’est la force de la communauté”, dit Enora. “Ils ne se seraient jamais rencontrés sans cela.”

Les fondations ont souvent assez de pouvoir pour aller encore plus loin, faire du lobbying et pourquoi pas faire bouger le cadre légal sur certaines questions. 

Une ambition que Marion résume ainsi :  “Il faut transformer les institutions, les règles, les pratiques, pour ne pas reproduire sans arrêt les mêmes erreurs. On connait tous l’exemple de la personne qui a faim, qui demande un poisson. Bien sûr, il faut lui donner un poisson dans l’urgence. Mais la philanthropie ne s’arrête pas là. Car il faut ensuite lui apprendre à pêcher. Puis il faut réguler la pêche et s’assurer qu’on ne vide pas la mer de ses poissons ! Le questionnement est permanent. Le combat aussi.” 

Les fondations en quête de synergies.

Chacun ses critères pour définir l’entrepreneur idéal. Chacun sa méthode pour le détecter, puis pour l’accompagner… Est-ce à dire que toutes les fondations font cavalier seul ? Surtout pas ! 

“On a tous un intérêt commun”, dit Fabienne, “améliorer le monde et se retrousser les manches.” Puis elle ajoute : “C’est important de créer une continuité entre nous."

Car s’il est une caractéristique qui saute au yeux, chez les fondations présentes ce matin, c’est bien leur complémentarité. Complémentarité sur le type d’accompagnement, sur le type d’entrepreneur accompagné, mais aussi complémentarité sur la chronologie des projets. Par exemple, la Fondation Carrefour se situe plutôt dans le temps court et aura tendance à repérer les projets dans une phase très embryonnaire, en amont. Marie-Astrid nous l’explique ainsi :

“On est à l’émergence des projets, c’est là que notre impact est le plus fort. Notre budget est assez conséquent donc on ose prendre des risques. Ce n’est pas rare qu’on soutienne certains projets au départ, puis qu’ils soient choisis ensuite par la France s’engage. Quand ça arrive, on est très fiers !” 

Il existe en effet plusieurs théories du changement. Et toutes sont compatibles entre elles. Un même entrepreneur peut donc commencer son aventure avec la Fondation Carrefour, recevoir en même temps l’aide de la Fondation EY pour élaborer son business plan et maîtriser les outils de comptabilité, puis passer chez la France s’engage au moment du changement d’échelle… Et ainsi de suite. Il évoluera donc à l’intérieur de différentes fondations selon ses besoins et l’avancée de son projet.

Cet esprit collaboratif, chez les fondations, reste à développer et à consolider. C’est justement sur cette question que travaille Marion avec plusieurs partenaires :

“Depuis le début de l’année, on essaye de créer, de développer une culture du changement systémique. Dans ce processus, on cherche toujours de nouveaux partenaires. Vous êtes les bienvenus !”


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