Première doctorante de l’histoire de makesense, Lucie Chartouny planche sur la question de l’engagement citoyen et viendra tous les mois nous faire un état de ses trouvailles. On commence par le commencement, la rencontre qui lui a donné envie de se lancer dans une thèse ?

Hannah Arendt, journaliste et philosophe morte est morte en 1975, bien avant la naissance de Lucie. Sa vie a été marquée par l’exil et le totalitarisme : d’origine juive allemande, elle a fui l’Allemagne nazie puis l’Europe pour les États-Unis. Elle est notamment connue, en vrac, pour les Origines du totalitarisme (1951), où elle montre que la dictature s’exerce dans tous les domaines de la vie dans le nazisme et stalinisme. Mais aussi pour ses articles sur le procès du criminel de guerre nazi Eichmann (1963) et le principe (controversé) de “banalité du mal », soit l’idée que des choses inimaginables peuvent être commises par des personnes qui paraissent assez banales mais qui n’ont pas fait l’effort de penser et d’évaluer au quotidien les conséquences de leurs actions.
À quel moment une révélation mystérieuse s’est opérée en moi en lisant Hannah Arendt ?
En lisant Condition de l’homme moderne (1958) j’ai découvert les trois activités qui composent une “vie active” selon Arendt : le travail, l’œuvre et l’action. Arendt dénonce la place omniprésente du travail dans la société moderne alors qu’il ne sert qu’à produire sans fin des choses, qui vont être immédiatement consommées. Elle décrit l’œuvre comme la capacité à fabriquer des objets durables. Mais ce qui l’intéresse le plus, c’est l’action.
L’action équivaut grosso modo à l’engagement des citoyen.nes dans la vie de la cité (comme on l’imagine nous dans la Grèce Antique). L’action est l’activité qui permet de créer du commun entre les hommes (là où le travail et l’œuvre nous isolent). C’est la seule activité qui nous permet de faire exister un domaine public. Elle passe par l’apparition de soi devant les autres : on agit lorsqu’on prend la parole en public, que le regard des autres se pose sur nous !
Le problème, c’est que l’action est mise au placard par notre société qui a érigé le travail au cœur de tout. Et c’est encore plus dangereux selon Arendt quand notre société est une société de travailleur.ses… sans travail !
Super tout ça ! Mais c’est quoi le rapport avec l’engagement citoyen ?
Ma compréhension (je dis bien ma compréhension, et mon interprétation, qui vaut… ce qu’elle vaut ) de la pensée d’Arendt me met du baume au cœur. Pourquoi ? Parce qu’il apparaît alors normal que cela ne soit pas si simple d’engager, et que cela ne marche pas à tous les coups. Pour Arendt, ce qui compte dans l’action c’est de commencer. De lancer une initiative et d’être créatif. L’action est irréversible, si on commence il y aura forcément un avant et un après la tentative, même si ça foire derrière. Il faut donc y aller ! De toute façon on ne sait jamais ce que ca va donner, car l’action est imprévisible.
Et du coup j’en retiens quoi ?
La morale de tout ça est qu’agir ne serait en fait pas (si) compliqué. Commencer par se rassembler autour d’une table pour échanger des opinions, c’est déjà bien. Dixit Arendt herself : « Que l’on accorde seulement à dix d’entre nous la possibilité de s’asseoir autour d’une table, chacun exprimant son opinion et chacun écoutant celle des autres, alors, de cet échange d’opinions, une opinion forgée rationnellement pourra se dégager. (…) Le monde commun prend fin lorsqu’on ne le voit que sous un aspect, lorsqu’il n’a le droit de se présenter que dans une seule perspective. »
Vous êtes encore là ? Cool. Tenez-vous prêt.es à lire régulièrement mes découvertes, questionnements et doutes existentiels. Je ferai de mon mieux pour ne pas tomber dans un long monologue avec moi-même.

Lucie… première doctorante de l’histoire mondiale de makesense !
Roulement de tambour… c’est avec honneur et la larme à l’œil que je me présente sous vos yeux ébahis. Pendant 3 ans, j’aurai la chance de travailler (oui, j’ose associer “chance” et “travail” dans la même phrase) sur ma thèse au sein de makesense. Il parait que c’est un peu plus qu’un travail, et que ma thèse va me hanter m’habiter pendant 3 ans. On verra. Pour le moment ce qui m’angoisse le plus, c’est l’idée que les gens oublient à la minute 1 le sujet de ma thèse, n’osent pas me redemander… et que je passe donc 3 ans à raconter des nouveautés sur une thèse dont plus personne ne connaît le sujet.
Bref, mon premier défi va donc être de réussir à rappeler avec subtilité, le plus régulièrement possible, le sujet de ma thèse à qui veut l’entendre : L’engagement citoyen chemin faisant, une approche expérientielle de la gestion solidaire et de vous embarquer dans mes découvertes et enseignements. On se retrouve le mois prochain ?