« Depuis que j’ai le yoga, j’ai l’espérance. Merci Nour ! »

« Depuis que j’ai le yoga, j’ai l’espérance. Merci Nour ! »

Il y a trois ans, Faustine Caron a imaginé Nour, des cours de yoga inclusifs pour tous et toutes. Namasté.
14 October 2022
par Hélène Binet
4 minutes de lecture

Il y a trois ans, Faustine Caron a imaginé Nour, des cours de yoga inclusifs pour tous et toutes. Aujourd’hui, le concept essaime partout en France. Namasté.

Il pleuvait des cordes ce jour-là. Une pluie froide, intense, de celle qui vous transperce le cœur et les os. Je me souviens, c’était un lundi midi. Il fallait que je sorte pourtant, j’avais rendez-vous pour mon premier cours de yoga pas comme les autres. Ce jour-là, le mental l’a emporté sur la flemme. Motivée, je suis arrivée trempée devant l’une de mes librairies préférées : Gibert Jeune sur les grands boulevards parisiens. Après avoir gravi les étages en me délaissant de quelques gouttes, traversé les rangées de livres et de bédés, j’ai fini par accéder à un grenier secret. J’étais prête à vivre l’expérience Nour, la lumière en arabe. Avec un temps pareil, on ne pouvait pas rêver mieux.

Nour, incubé chez makesense for entrepreneurs, dispense 25 cours de yoga par semaine et aimerait arriver à 50 d’ici Noël.

Venez comme vous êtes

Nous sommes une petite dizaine de participants à dérouler nos tapis sur fond de musique douce et joyeuse. Ici, pas de lycras dernier cri mais des gros pulls, des jeunes, des vieux, des souples, des dos cassés, une jolie diversité. Faustine Caron est notre prof aujourd’hui, c’est elle qui a inventé tout ce dispositif pour rendre le yoga accessible aux personnes en situation de vulnérabilité. Dans la salle, il y a Anaïs qui pratique le yoga depuis 3 ans. « Quand j’ai commencé je n’allais pas très bien. Ça m’a permis de connaître et d’aimer mon corps et d’être plus sereine. » Il y a aussi Laure qui, au chômage, cherchait une activité pas trop chère et des « cours où toutes les nanas ne portent pas des tenues à 200 euros. » Et puis il y a Laurent qui a connu Nour grâce au CSAPA (Centre de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie). « Je me suis fait opérer d’une hernie discale en 1986 alors que j’étais en vacances avec ma copine. Le yoga me fait beaucoup de bien. En plus Faustine me dit que je progresse bien. »

Pendant 45 minutes, Faustine nous guide en musique. On enchaîne les positions avec douceur, chacun y va à son rythme, l’ambiance est légère, le temps se suspend. Certains ont besoin d’une chaise pour amortir les mouvements, d’autres excellent dans la posture chien tête en bas. On se sent libre, comme le prix des cours, un des principes de l’association Nour. « J’ai découvert le yoga à Paris au moment où j’entrais tout juste dans la vie active, explique Faustine, je ne me sentais pas hyper bien dans cette ville ni dans mon univers professionnel, la pratique m’a permis d’être un rempart contre le stress. »

Quelques années plus tard, après un voyage autour du monde à la rencontre d’un grand nombre de pratiques de yoga, c’est lors d’un week-end familial que Faustine a le déclic. « J’ai improvisé un cours de yoga avec mes petits cousins, ma grand-mère à mobilité réduite, des mineurs isolés que ma mère héberge. Il y avait plein de corps différents, même les chiens étaient allongés, je me suis rendu compte que c’est ça que j’aimais, cette diversité de participants. » 

Faustine se forme au yoga et, en 2019, dépose les statuts de Nour. Elle enseigne la pratique aux Grands voisins à Paris, une friche éphémère dans l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul qui, pendant 5 ans, a réinventé le partage et la solidarité. « J’avais dans mes cours aussi bien du grand public que des personnes exilées, des jeunes du quartier. J’ai eu la preuve que le concept marchait. » 

Chez Nour, chacun paie ses cours en fonction de ses revenus. Le prix est libre.

Yoga sur mesure

Pendant le confinement, Faustine poursuit en ligne, reverse les bénéfices des cours à l’association Utopia 56, une association qui se mobilise pour les exilés et, en 2021, quitte son CDI dans un cabinet de conseil pour se lancer à 400% dans Nour. Incubée chez Pulse, l’incubateur du groupe SOS puis chez makesense for entrepreneurs, Nour développe des partenariats avec Aurore, France terre d’Asile, l’APHP et passe à la vitesse supérieure. « Aujourd’hui, Nour c’est 80 profs de yoga, dans 6 villes en plus de Paris. Ils sont formés au yoga à la mode Nour, un enseignement apolitique et non religieux. Depuis quelques mois, on donne des cours essentiellement dans les centres sociaux, dans les Ehpad, les établissements spécialisés pour rendre le yoga vraiment accessible à tous et toutes, » se réjouit Faustine. Pour chacun de ces publics, Nour se rapproche des éducateurs spécialisés ou des accompagnants pour bien adapter la pratique. « Avec des personnes exilées, je ne parle pas de la mer, c’est trop douloureux. »

“Nous croyons que toute personne devrait pouvoir accéder au yoga, indépendamment de toute considération de genre, d’origine culturelle ou sociale, et qu’au-delà des bienfaits individuels, ils sont aussi collectifs : le yoga est un vecteur puissant de mixité.”

Avec son tapis de yogi, Faustine a récolté plein de belles histoires. « Aux Grands voisins, un jeune mineur isolé venait à chaque fois. Au début, il ne pouvait rien faire tellement il était musclé. Il a travaillé ses postures et éprouvé une vraie fierté. Un jour il a demandé à d’autres élèves de l’aider pour son CAP qu’il a eu, il était super reconnaissant .» Cette année, une indienne immigrée qui faisait du yoga quand elle était petite a partagé son livre d’école avec toutes les postures. Faustine se souvient aussi de Marc qui est arrivé avec un corps ravagé. “Aujourd’hui il n’est pas en difficulté, la transformation sur les corps est bluffante”. Avec Nour, la transformation sur les cœurs l’est tout autant. “Depuis que j’ai le yoga, j’ai l’espérance”, confiait récemment une yogi réfugiée. 


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