COP 15 biodiversité, le mouton de la dernière chance

COP 15 biodiversité, le mouton de la dernière chance

À l'heure de la COP 15 sur la biodiversité, on a rencontré quelqu'un qui pourrait nous sauver du désastre que nous sommes en train d’écrire...
07 December 2022
par Vianney Louvet
5 minutes de lecture

Qui pourrait protéger 30% de la planète et même plus encore ? Il y a quelques jours, avant la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP 15) qui se tient sous la présidence de la Chine, à Montréal du 7 au 19 décembre, Vianney a rencontré l’une des personnes qui pourrait nous sauver du désastre que nous sommes en train d’écrire. Laissez-vous conter…

- Bonjour Antoine, je vous en prie, asseyez-vous. Je vais remettre une bûche dans la cheminée. Que buvez-vous ? Un thé ?

Face à moi, un vieil homme à l'œil rieur me toise. Il sort de son épaisse veste en cuir usée par le temps un calepin et un stylo.

- Bien, tout d’abord je voudrais vous remercier de vous être déplacé. Je sais que le voyage coule dans vos veines depuis toujours mais je dois dire que je suis stupéfait qu’un homme âgé de…

- 122 ans.
- …c’est ça. C’est… Merci d’être venu.

L’homme ne bouge pas et attend poliment la fin de ma laborieuse introduction. Je me lance :

- Antoine, j’ai besoin de vous. En 1943, vous avez publié un conte poétique qui a bouleversé des millions de personnes dans le monde. Et aujourd’hui, vous êtes le seul qui puisse, par les mots, par les histoires, nous aider à ralentir la course folle dans laquelle nous sommes…

L’homme se tait.

- Antoine, je souhaiterais vous proposer d’écrire “Le Petit Prince 2”.

Pas de réaction. 

- “Le Petit Prince 2”. Et au cœur de votre œuvre, un seul sujet : l’effondrement de la… biodiversité. 

Froncement de sourcil. Il saisit son stylo. 

- La biodiversité, vous en êtes l’expert sans le savoir, Antoine. Le mouton, la rose, la planète, le désert. La vie sous toutes ses formes. Ou si vous préférez un terme plus pompeux : la diversité biologique, cette idée a été mise en avant pour la première fois en 1984, par un certain Edward O. Wilson

Pour la première fois, il se met à griffonner quelques mots, cela m’encourage à continuer. 

- Sachez qu’il a fallu attendre l’année 1992, et son Sommet de la Terre à Rio pour qu’un petit article de la convention définisse clairement la biodiversité comme la “variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces, et entre les espèces et ainsi que celle des écosystèmes”.

- La biodiversité… murmure-t-il enfin. Vous utilisez donc un seul mot, un simple mot pour décrire l’infinie beauté et complexité que vous êtes et qui vous entoure ? L’ensemble de vos interactions, de vos milieux de vie, de vos paysages ? Un seul mot pour décrire l’héritage d’un processus évolutif de 3,8 milliards d’années ?  

- Oui, mais aujourd’hui, en 2022, « biodiversité » ne rime plus avec beauté. Lorsqu’on dit biodiversité, on pense immédiatement à “effondrement” “catastrophe” “crise”. La douceur de la vie telle que l’incarne votre Petit Prince est désormais bien loin.

Il ne bouge plus, attendant la suite. J’inspire profondément et renchéris :

- En près de 50 ans, 68% des animaux vertébrés sauvages ont disparu selon le WWF. 68% de nos mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons Antoine. Nos enfants ne dessineront peut-être plus de moutons parce qu’ils ne sauront même pas ce que c’est. 

Pour nous, l’impensable est devenu banal. Des chiffres de ce type défilent chaque jour dans nos journaux. Au moins 150 millions de tonnes de plastique ont été déversées dans les océans, 437 millions d’hectares de couvert forestier ont été perdus depuis 2009. À l’heure où nous parlons Antoine, des espèces qui étaient menacées s’éteignent. On en comptait par exemple 31 à disparaître, purement et simplement, à l’état sauvage, fin décembre 2020, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. 41 459 autres sont menacées d’extinction en 2022. La population d'oiseaux a diminué de près de 30% en France en trente ans. Avez-vous déjà entendu le merveilleux chant de la fauvette pitchou ? Du moineau friquet ? 

- Bien-sûr. Mais j’imagine que certaines âmes au tempérament moins poète que moi doivent vous dire : “et alors quelques oiseaux en moins, quel problème ?”

- En effet. Je leur réponds que notre avenir dépend de ces oiseaux, des moutons, des roses, du vivant en général. Si on lutte pour préserver la biodiversité, on lutte pour notre survie. Tenez, prenez les milieux humides, sortes d’éponges à précipitations. Ils sont souvent asséchés par l’agriculture et le développement urbain. Leur restauration est indispensable pour lutter contre les inondations comme contre les sécheresses. Autre exemple, protéger les forêts, c’est protéger plus d’un milliard de personnes dont la subsistance en dépend. La diversité génétique du vivant n’est pas un hasard, elle nous offrait une résilience qui aujourd’hui s’atténue à mesure que s'homogénéise le vivant et que s’effondre notre biodiversité.

- Mais pourquoi ce déclin fulgurant ? 

- Disons que les causes sont multiples. Parmi elles, le changement d’usage des terres et de la mer (intensification, artificialisation et extension de surfaces agricoles qui conduisent au déboisement de vastes surfaces forestières), l’exploitation directe de certains organismes (nous prélevons dans le milieu naturel au-delà de ce que le milieu peut générer), le changement climatique, la pollution (les algues vertes par exemple) et enfin les espèces exotiques envahissantes qui constituent un danger pour près d’un tiers des espèces terrestres menacées et sont impliquées dans la moitié des extinctions connues.

Antoine inspire profondément, comme pour encaisser la violence de ces informations. J’en arrive au cœur de ma proposition.

- C’est impensable Antoine. N’importe quel être humain qui se balade en forêt, au bord de l’eau, en montagne, est touché par la beauté de la vie, par ses mouvements. Comment est-ce possible de continuer d’écraser ce qui nous entoure et nous avec ? Nous avons besoin de vous pour nous réveiller à l’aube de ce rendez-vous de Montréal.

- Que faut-il espérer de ce sommet ? 

- Cette COP15 s’articule autour de 4 objectifs pour 2050 et de 21 cibles à atteindre en 2030 comme par exemple celle qui vise à protéger “au moins 30 % des zones terrestres et maritimes d’ici à 2030”. À l’image de l’historique Accord de Paris conclu en 2015 sur le climat, les parties travaillent actuellement à un accord pour la nature, connu sous le nom de cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, qui succédera aux objectifs d’Aichi pour la biodiversité, adoptés en 2010 mais malheureusement la plupart n’ont pas été atteints… 

- Des fausses promesses vous voulez dire ? 

- Les chefs d’État prévoyaient, entre autres, de réduire au moins de moitié la perte d’habitats naturels, de protéger 17% des zones terrestres et des eaux continentales, tout en misant sur l’élimination ou la réduction progressive des subventions néfastes pour la biodiversité d’ici 2020. Ces objectifs n’ont pas été atteints notamment à cause du manque d’implication de pays. Cette année, sont présents les 196 États signataires de la Convention sur la diversité biologique, un traité multilatéral datant du Sommet de la Terre de 1992 dont je vous parlais tout à l’heure. 

Antoine reste silencieux.

- Il faut que vous écriviez Antoine. Il faut que votre génie touche nos cœurs. Celui des élus, des entreprises notamment. Il nous faut un Petit Prince pour nous réapprendre à vivre avec ce qui est autour de nous. Nous en sommes incapables.

Antoine m’a regardé. A regardé le monde autour de lui. Et a commencé à écrire. 


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