Ecrire pour (mieux) mourir. Rencontre avec Céline de Traces de vies.

Ecrire pour (mieux) mourir. Rencontre avec Céline de Traces de vies.

Depuis 2013, Traces de Vie accompagne les personnes gravement malades à extérioriser leurs émotions et à les partager grâce à un livre.
08 October 2020
par Marie Auriac
4 minutes de lecture

L’écriture comme outil de transmission, c’est le crédo de Traces de Vies. Depuis 2013, l’association franc-comtoise accompagne les personnes gravement malades ou en fin de vie à extérioriser leurs émotions et à les partager à leurs proches.

Cette année, le projet a franchi un palier en sortant lauréat du Prix Fondation Cognacq-Jay. Céline Donnet, responsable de la communication, revient sur une année riche en enseignements.


Qu’est-ce que l’association Traces de vies ?

Notre association a pour objectif d’accompagner par l’écriture les enfants et les adultes gravement malades ou en fin de vie. Certains d’entre eux ont déjà commencé cette démarche mais n’ont parfois ni la capacité, ni la motivation de poursuivre, ou ne savent tout simplement pas par quel bout prendre le récit. Nous leur accordons du temps, nous les écoutons avec bienveillance et retranscrivons leur témoignage par écrit. Enfin, nous en faisons un livre que nous offrons en dix exemplaires à leurs proches.

Quelle est la raison d’être derrière votre projet ?

L’objectif est de rompre l’isolement et la solitude, souvent liés à la maladie. Nous nous rendons à domicile mais aussi dans les chambres d’hôpital. Dans un parcours de soins pas toujours propice à l’échange et dans un contexte où les équipes médicales sont surchargées, nous offrons aux malades un espace d’expression. Alors ils s’autorisent à penser à autre chose. Le temps d’une visite, les enfants dessinent, s’évadent, se livrent.

Pourquoi avoir choisi la transmission par l’écriture ?

Notre fondatrice Christelle Cuinet, ex-professeur de lettres, était très attachée à l’objet livre. Pour elle, l’objet devait être tangible : on devait pouvoir le toucher, le transmettre – ce qui n’est pas le cas d’un fichier audio ou vidéo. De plus il est souvent trop douloureux d’entendre la voix d’une personne proche une fois qu’elle est partie.

Bientôt 9 mois que Traces de Vies est suivie par Cognacq-Jay. Que retiendrez-vous de cet accompagnement ?

Avant toute chose, le seul fait de préparer le dossier de candidature m’a permis de me poser des questions auxquelles je n’avais pas réfléchi jusque là. Puis en février est arrivée la remise du Prix : nous avons rencontré les autres associations lauréates avec qui nous avons eu des échanges très riches. Mais ce qui est de loin le plus précieux est l’accompagnement que nous avons reçu. Il a eu un impact considérable sur le développement de Traces de Vie en terme d’image et de stratégie. Il vaut beaucoup plus que la dotation financière ! C’est un très beau cadeau que nous a fait Cognacq-Jay.

Sur quels enjeux spécifiques le Prix Fondation Cognacq-Jay vous a permis de progresser ?

Nous avons bénéficié d’un atelier mesure d’impact qui tombait à point nommé. On nous a aussi aidés dans la définition de notre charte graphique. Cela faisait un an que ce sujet nous bloquait, que nous ne nous retrouvions pas dans le travail que nous présentaient les agences. Dans le cadre du Prix, nous avons collaboré avec makesense. Daniel et son équipe, spécialiste des questions de communication de marque, se sont appropriés le projet et ont tout de suite cerné nos attentes. Le logo qu’il a imaginé est rempli de sens. J’ai trouvé ça fabuleux !

Quelles sont vos ambitions pour Traces de Vies ?

En janvier 2021, nous lancerons une formation qualifiante à visée certifiante afin de faire reconnaître le métier d’accompagnant biographe. L’objectif est de professionnaliser de nouveaux biographes partout en France et pas seulement en Bourgogne Franche-Comté où nous sommes implantés.

Quel conseil donnerais-tu à une personne qui souhaite lancer un projet innovant au service des personnes en difficulté ?

Ne perdez jamais l’âme de votre projet, ni vos valeurs. On peut facilement être désorienté, découragé par des personnes qui connaissent mal notre projet. Par exemple, nous avons toujours refusé de faire payer les familles pour les livres car cette gratuité nous tient vraiment à cœur. De la même façon, nous pourrions engager des bénévoles pour recueillir les témoignages des personnes fragiles mais nous choisissons de ne pas le faire car le métier de biographe hospitalier demande du temps et un savoir faire précis. En revanche, nos bénévoles s’occupent de la visibilité de l’association : ils gèrent les partenariats, l’événementiel.

Qu’est-ce qui te rend fière avec ce projet ?

D’abord, j’aime le fait d’offrir une oreille attentive à ces personnes seules. Nos visites sont de véritables rendez-vous qui, au-delà de créer une attente, tissent du lien social. Et puis ces personnes laissent quelque chose qu’elles ont choisi : leur propre histoire avec leurs mots. C’est comme un coffre-fort de l’histoire familiale qui permet aussi aux descendants de savoir d’où ils viennent et de construire leur identité. Je serais tellement heureuse d’avoir l’histoire de mes ancêtres quelque part dans ma bibliothèque.

Raconte-nous votre plus belle histoire d’accompagnement

Elles sont toutes belles mais une me touche particulièrement. Il y a peu nous avons accompagné une petite fille de huit ans qui souffre d’une maladie chronique et d’un trouble de l’alimentation. L’écriture de son livre a été un vrai déclic, ça l’a libérée ! Si bien que pendant notre accompagnement, elle a pris deux kilos – une première – et a cessé de prendre des compléments alimentaires. Elle nous a ensuite demandé que nous lisions son livre à sa classe de CM1. Cela a permis de mettre des mots sur sa maladie, d’expliquer sa différence à ses camarades. Aujourd’hui, elle est redevenue une enfant comme les autres à leurs yeux.

En 2018, Thibaut Seve a suivi Christelle Cuinet, la fondatrice de Traces de Vies, pendant 1 an pour LCP. Retrouve le reportage en replay ici.


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