Pas de quartier pour le chômage. Rencontre avec Azedine et Hakim de Tess Lab.

Pas de quartier pour le chômage. Rencontre avec Azedine et Hakim de Tess Lab.

Ils ont grandi dans les quartiers prioritaires de la ville là où 23% des jeunes quittent l’école sans diplôme. Azedine et Hakim Elhadouchi sont deux frères qui, pour dévier le cours des statistiques, ont créé TESS LAB en 2017.
30 June 2020
par Marie Auriac
5 minutes de lecture

Ils ont grandi dans les quartiers prioritaires de la ville là où 23% des jeunes quittent l’école sans diplôme. Azedine et Hakim Elhadouchi sont deux frères qui, pour dévier le cours des statistiques, ont créé TESS LAB en 2017.

Leur association permet aux jeunes de prendre conscience et confiance en leurs capacités de construire un parcours scolaire et professionnel ou de retrouver un emploi.


Quelle est votre ambition à T.E.S.S. LAB ?

Azedine : Le travail, c’est l’opportunité pour un individu d’apporter sa contribution à la société et d’avoir une reconnaissance en retour. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, que l’on appelle dans le jargon QPV, un jeune sur deux est au chômage et par conséquent dans l’incapacité d’apporter sa contribution. À travers T.E.S.S. LAB, on a voulu donner à ces jeunes la conscience de leurs capacités en leur transmettant des compétences transversales ou soft skills, qui leur permettront de se réinsérer dans le marché de l’emploi. 

Hakim : On a développé un programme mais aussi des ateliers ponctuels qui aident les jeunes à identifier leurs points forts et à les développer. Ils apprennent par exemple à se présenter avec une attitude professionnelle, à prendre la parole en public et à maîtriser les codes de l’entreprise. On fait également intervenir des spécialistes sur des sujets liés aux compétences transversales comme le mindmapping, la lecture rapide ou la façon de créer son réseau, la motivation, l’ambition. Notre objectif est qu’une fois outillés ils puissent trouver leur voie non seulement professionnellement mais aussi dans leur parcours de vie, qu’ils retrouvent un équilibre.

L’insertion via les soft skills, c’était une évidence ?

Azedine :  La raison est pragmatique : les soft skills sont à la fois des qualités et des compétences, c’est-à-dire qu’elles sont innées mais peuvent aussi se développer. En plus, les compétences comportementales et cognitives comme l’adaptabilité ou la prise de parole sont aujourd’hui déterminantes aux yeux des recruteurs et peuvent avoir une réelle influence sur l’employabilité.

Hakim : On veut donner à ces jeunes l’opportunité de révéler ce qu’ils ont déjà en eux, puis de rendre ces qualités adaptables et valorisables dans un milieu professionnel. Pour beaucoup, la confiance est clé pour transformer leurs qualités en compétences.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec des jeunes de quartiers prioritaires ?

Hakim : Avec Azedine on a grandi dans ces quartiers populaires en banlieue de Strasbourg. C’est ce vécu qui nous a donné conscience de l’importance d’être accompagné dans son parcours de vie au-delà de l’école. C’est aussi grâce à notre connaissance de ce public que l’on assume cette posture d’intermédiation. Le quartier est une bulle et notre rôle est de les accompagner dans l’exploration du reste du monde. 

Azedine : C’est le public avec lequel on a commencé de travailler parce qu’il a une histoire proche de la nôtre. Mais aujourd’hui, notre projet a vocation à toucher des jeunes de tous milieux. Les soft skills sont un enjeu pour tout le monde !

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire ?

Azedine : La plupart de nos activités se déroulent en présentiel. Alors quand le confinement a été décrété, il a fallu réagir vite pour maintenir le lien avec nos élèves. C’est à ce moment là qu’on a imaginé un nouveau format : les Rencontres Inspirantes. Il s’agit de conférences Zoom ou Instagram pendant lesquelles des personnalités inspirantes de différents horizons se font interviewer par nos bénéficiaires. Les personnalités que nous recevions étaient elles-mêmes issues des quartiers populaires et avaient pour certaines des parcours de survie plutôt que de vie, mais avaient finalement réussi à sublimer leurs capacités. Ce qui a été génial, c’est qu’on a développé l’idée ensemble avec nos bénéficiaires !

Quel avenir voyez-vous pour votre association ?

Azedine : Une chose est certaine : on veut conserver les Rencontres Inspirantes en les adaptant à un format présentiel. On a aussi le projet d’en faire un livre. On est tous les deux sensibles à l’idée de mémoire et on connaît des personnes aux parcours de vie atypiques, parfois chaotiques, que l’on aimerait valoriser. On veut mettre en relief les obstacles qu’elles ont surmontés, et comment. Ces récits nous inspirent énormément pour construire nos ateliers : ils nous orientent vers les bonnes ressources à diffuser. On veut montrer à nos bénéficiaires que la capacité de rebond face aux échecs, ça se travaille. On veut ouvrir le champ des possibles pour nos bénéficiaires et écarter leurs croyances limitantes. 

Hakim : D’un côté il y a les livres de sciences de gestion, les livres axés sur la confiance en soi, le bien-être, et de l’autre les histoires brutes que l’on va analyser. L’objectif est d’en faire un véritable outil pédagogique, de faire se rencontrer la théorie et la vraie vie. L’excellence ne doit pas seulement dépendre des notes à l’école. Ces récits montrent justement qu’il nous appartient de construire un très beau parcours en partant de plus loin.

Qu’est-ce que le programme Retour Vers l’Emploi vous a apporté ?

Azedine : Le programme est tombé à pic. Notre projet avait été lauréat du Parcours Entrepreneur Ticket for Change pendant lequel nous étions passés de l’idée au prototype. Retour Vers l’Emploi était la suite logique : nous avons pu évoluer du prototypage à la mise en action. Mais c’est surtout la coordination entre makesense, Activ’Action et Pôle Emploi qui fait toute l’originalité et la valeur ajoutée de ce parcours. Cela nous a notamment beaucoup aidés dans la construction d’ateliers pour nos bénéficiaires.

Hakim : Ce qui a été très enrichissant, au-delà de la mise en réseau, ce sont les échanges avec les autres projets incubés dont on partage la thématique de l’insertion.

Qu’est-ce qui vous rend fiers avec T.E.S.S. LAB ?

Azedine : J’aime le fait de produire quelque chose avec mon frère, de voir nos ambitions se concrétiser petit à petit. Mais surtout, je suis heureux de pouvoir me rendre utile aux autres à travers cette association. L’abbé Fouque disait “Relever un jeune homme c’est relever une génération”. C’est exactement notre état d’esprit : chaque jeune mérite que l’on révèle son potentiel.

Hakim : Je suis fier de me dire qu’on n’a pas été de simples spectateurs de la situation dans les quartiers. On a agi pour ces jeunes qui pourraient être nos frères, nos voisins.

T.E.S.S. LAB recherche des bénévoles spécialisés dans la communication et les réseaux sociaux. Tu es intéressé·e ? Envoie ta candidature à azedine.el@gmail.com.


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