Bellastock 2017 : les techniques de construction en terre les plus punks

Bellastock 2017 : les techniques de construction en terre les plus punks

Utiliser la terre crue pour construire une ville éphémère dans l’écoquartier fluvial de L’île-Saint-Denis
13 September 2017
par makesense
5 minutes de lecture

Mais qui sont ces gens à moitié nus couverts de boue ? Des figurants sur le tournage du prochain Mad Max ? Un concours international de glissade dans la gadoue ? On ne dirait pas comme ça, mais ils contribuent activement à réinventer le futur de l’architecture durable lors du festival Bellastock 2017.

Les techniques pour prendre un bon bain de boue dans un prochain épisode.

En juillet dernier, ce festival d’architecture proposait aux participants de construire une ville éphémère dans l’écoquartier fluvial de L’île-Saint-Denis. Après l’eau, la mobilité, le sable, les organisateurs ont décidé de mettre à l’honneur la terre crue, un matériau mésestimé qui permet pourtant de construire bien plus durablement que le béton.

Dans ce grand terrain de jeu pour adulte en quête de sens et d’expérimentation, Marie, notre envoyée spéciale a expérimenté les joies de la construction en terre grâce à trois techniques de choc. 

Merci à Siméon Baldit de Barral pour ses belles photos !

1. Le BTC (« bétézé ») ou comment fabriquer des briques en open-source

Deux étudiants en archi ont commencé par nous présenter le BTC et betezé.

Le BTC (non, ce n’est pas le nouveau sandwich healthy Betterave Tomate Concombre) ressemble à une brique de ciment toute nulle mais c’est en réalité une brique de terre comprimée hyper stylée constituée à partir d’un doux mélange d’argile, de terre et d’eau.

On comprime le tout à l’aide d’une presse qui la réduit à 50% de sa taille originelle avant de la laisser sécher de 2 à 4 semaines.

Mesdames et messieurs, voici une magnifique brique fabriquée grâce à la technique BTC

Oui, car en plus de rendre tes mains toutes douces grâce à l’argile, cette technique t’apprend aussi à être patient.e.

Betezé, ce n’est pas le nom de la brique en terre, mais celui de la plateforme qui développe des machines BTC en open-source pour construire ces briques grâce à un moule rectangulaire et une presse, qui vient comprimer le mélange d’argile, de terre et d’eau.

TERRA Award / illustrations : Pauline Sémon / textes : Dominique Gauzin-Müller

Pourquoi le Betezé c’est le turfu de l’architecture ?

A.    Les communautés peuvent télécharger gratuitement les manuels open-source disponibles sur le site de Betezé.

B.    Un petit investissement suffit pour qu’une ou plusieurs presses manuelles soient assemblées par des forgerons locaux.

C.    La terre, il y en a partout (ou presque). Cette presse peut être utilisée pour faire des briques de manière illimitée.

D.    Puisque les utilisateurs s’impliquent dans le processus, ils peuvent réparer eux-mêmes les presses ou en améliorer le fonctionnement.

E.    Grâce au modèle open source, les designs sont partagés gratuitement depuis le site pour rendre l’info disponible à tous.

2. Le torchis, c’est pas fini

Le torchis est une technique qui sert à construire des murs ayant une ossature en bois. Le torchis est le nom du matériau qui remplit et isole ces murs.

Voici la petite recette du torchis :

– Prenez un mélange de terre argileuse, de sable fin, d’eau, (ça doit ressembler à de la vase) et de la paille sèche d’environ 10 cm de longueur.

– Saisissez une poignée de paille, venez la tremper dans la gadoue bien liquide, puis appliquez de bas en haut sur l’ossature en bois. Et tadaaa !

L’étudiant en architecture nous fait les louanges de cette technique, qui, à vue d’œil (novice), nous paraît désuète et perméable.

« Le torchis est hydro régulateur : il peut être mouillé et évacuer l’humidité de l’intérieur vers l’extérieur « 

Il a une faible inertie thermique, donc la maison reste fraîche en été et garde la chaleur en hiver. Il est également souple et s’adapte aux mouvements de la structure dont il comble les espaces pour former un joint avec le matériau qu’il jouxte lorsqu’il est humide.

On est tout de suite conquis, non ?

Le torchis peut être appliqué en monocouche sans finition ou bien prêt à recevoir un enduit de finition en terre.

TERRA Award / illustrations : Pauline Sémon / textes : Dominique Gauzin-Müller

Pourquoi le torchis c’est (aussi) le turfu de l’architecture ?

A. On le répète, il possède des qualités thermiques remarquables, ainsi il favorise les économies d’énergie.

B. Facilement disponibles et peu coûteux, les matériaux de base d’une construction en torchis ne nécessitent aucun traitement particulier. Constituée de matériaux naturellement résistants aux moisissures, la construction en torchis offre une grande longévité dans le temps.

C. Le torchis favorise l’auto-construction. Simple à manipuler, il permet la création de formes originales et esthétiques.

3. Et la dernière technique … la bauge ! La plus punk des 3.

Contrairement à ce que cette image peut laisser croire, ces enfants ne sont pas en train de fabriquer un golem en argile.

Le cœur de la réalisation d’un mur en bauge consiste à empiler des boules de terre argileuse.

Un fois la fondation du mur commencée, tu peux donc retourner en enfance et lancer sauvagement des boules de terres sur le mur en pensant à ton ou ta pire ennemi(e).

Après t’être défoulé, tu peux lisser le mur avec un outil tranchant mais je trouve ça bien plus rock sans lissage.

TERRA Award / illustrations : Pauline Sémon / textes : Dominique Gauzin-Müller

Pourquoi la bauge, c’est le turfu punk de l’architecture ?

A. D’enduit, tu n’as pas besoin. 

B. On apprécie les qualités esthétiques de cette technique : plus punk, tu meurs.

C. Il est très facile de mettre en œuvre cette technique en chantier participatif.

Alors, qu’est ce qu’on attend pour construire en terre ?

Toutes ces techniques sont utilisées depuis la nuit des temps, hormis le BTC qui est une technique récente, mais reste trop peu utilisées, notamment dans les pays développés. Pourtant, elles sont écologiques, puisqu’elles utilisent des matières premières directement prélevées sur le site de construction et que les murs en terre et végétaux isolent correctement et possèdent une grande inertie thermique.

Si ces techniques à base de terre présentent énormément d’avantages, on ne peut pas les utiliser partout dans le monde : la terre doit avoir des propriétés particulières, comme être suffisamment argileuse.

Il existe d’autres techniques de construction en terre, comme le pisé, l’adobe, l’hyperadobe et même le super. Cet article n’est absolument pas exhaustifs et extrêmement simplifié, pour en savoir plus et devenir terre expert, on vous conseille le livre Architecture en terre d’aujourd’hui, d’où sont tirées nos illustration.

Merci à Bellastock, et merci aux étudiants en archi, on a adoré !  

PS : on arrête de bétonner tout ce qui passe et on se salit un peu les mains avec de la gadoue : ça évite de défoncer les fonds marins en y prélevant du sable. Le secteur du BTP produit environ 300 millions de tonnes de déchets chaque année, essentiellement constitués de matériaux inertes parmi lesquels figure le béton. Certes, on peut essayer de le revaloriser, mais on peut aussi s’en passer.

L’association Lesa a lancé une pétition pour qu’il y est une subvention publique pour la formation professionnelle de construction en terre crue destinée à des maçons. Ils soulignent que :

« la construction en terre crue et paille est la solution la plus pertinente pour lutter contre le réchauffement climatique : ces matériaux sont neutres ou stockent du CO2, tandis que les matériaux de construction classiques consomment du CO2. En effet, le secteur du bâtiment représente 40% du bilan carbone et utilise 20% du CO2 global, uniquement pour la fabrication de matériaux cuits (ciment, chaux, isolants de synthèse, terre cuite, …) ; 20 autres % pour les besoins énergétiques du bâtiment pendant sa vie. »

Vous avez envie d’agir ? Rejoignez Future of Waste !


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