10 choses méga importantes à savoir sur les méga-bassines

10 choses méga importantes à savoir sur les méga-bassines

Réunis sous le collectif "Bassines Non Merci", les militants se battent contre ces méga bassines. On fait le point.
15 March 2023
par Vianney Louvet
6 minutes de lecture

Le sujet brûlant du moment. Du 24 au 26 mars, des milliers de militants écologistes sont attendus autour de la méga-bassine de Sainte Soline, dans les Deux-Sèvres. Réunis sous le collectif "Bassines Non Merci", ils dénoncent une privatisation de l'eau et des impacts sur l’environnement inacceptables. Sur les plateaux télé, la guerre des chiffres et des idéologies est déclarée. Bienvenue dans le merveilleux monde des “bassins de substitution”. Voici 10 infos pour y voir un peu plus clair (et rejoindre la lutte ?)

Préambule pour les nuls

Imagine une surface de 10 terrains de foot qu’on transforme en bassin plastifié et imperméable. Imagine qu’on remplit ça en pompant les nappes phréatiques en hiver, quand elles sont bien pleines (raclement de gorge gêné). Imagine enfin qu’on raccorde quelques exploitations agricoles autour pour pouvoir irriguer cet été. N’imagine plus et va à Sainte Soline. C’est un des exemples les plus médiatisés du moment de ces énormes stockages d’eau à ciel ouvert. Des projets comme ça il y en a une centaine en France, beaucoup dans l’ouest. Il y a ceux qui sont pour et qui disent que ça aide les agriculteurs à s’adapter au changement climatique et ceux qui sont contre parce que… parce que quoi en fait ? 

La Rochenard, le 26 mars 2022. Printemps maraichin. Des milliers d’opposants aux "méga-bassines" se sont rassemblés et manifestent contre ce vaste projet de stockage d’eau dans la région du Marais poitevin. - Yohan Bonnet/Hans Lucas pour Libération

1- Non, ce n’est pas comme dans Bambi

Ne vous laissez pas influencer par l'envoûtante “Petite pluie d’avril” de Bambi. ” La première chose à savoir, c’est que ces méga-bassines ne sont pas juste des bassins récoltant l’eau de pluie, loin de là. Une grande partie des stocks provient des nappes et des cours d’eau autour qui sont détournés. 

2- Sale temps pour les voisins

J’ai un bon ami qui est ver de terre. Ses lieux de vie varient en fonction de ses projets : champs, prés, forêts, sols humides … Ces écosystèmes grouillant - de moins en moins - de vie sont sous la menace de ces bassines. L’eau, c’est la vie. Remonte l’histoire de la création de notre petite planète si tu en doutes. Les mètres cubes d’eau qui ne s’infiltrent pas en restant piégés par la bâche de ces bassines sont des mètres cubes en moins pour le vivant alentour, l’impact sur la biodiversité et les milieux naturels est énorme. Pas pour la FNSEA pour qui ce système n’a “aucune conséquence sur l’environnement”. Fin de l’explication. A cela, le principal syndicat agricole ajoute que ces projets peuvent être soumis à des engagements environnementaux en contrepartie (comme la création de haies). Nous voici sauvés. 

3 - Je pense donc je fuite

Finissons sur l’eau. Non seulement mon poto-ver en est privé et en plus de cela, il pourra constater avec rage qu’une quantité d’eau folle est gâchée par l’évaporation. Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS et spécialiste de l'eau et des systèmes hydrobiologiques estime ces pertes entre 20% et 60%.  Dans l’autre camp, Christiane Lambert, présidente de FNSEA avance le chiffre de … 7%. Elle considère ces projets comme une adaptation efficace avançant par exemple qu’on observe une remontée du niveau des nappes phréatiques faisant suite à l’installation de réserves de substitution.

L’une des grandes manifestations anti-bassines, à Mauzé-sur-le-Mignon, dans les Deux-Sèvres, le 6 novembre 2021. Le rassemblement du week-end prochain à Sainte-Soline se veut plus massif encore. © Crédit photo : XAVIER LEOTY/SUD OUEST

4 - Obélix, coupe 3 parts

Imaginons que la totalité, j’ai bien dit la totalité, des agriculteurs du coin bénéficie de cette réserve. Même là, et pour les raisons évoquées ci-dessus notamment, ce serait problématique. Mais, écoutez Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne : « Le premier enjeu c’est une iniquité de traitement entre ceux qui seront reliés aux bassines et ceux qui ne le seront pas ». Tenez-vous bien à vos fourches : à Sainte-Soline ce sont « 720 000 mètres cubes d’eau privatisée pour 12 exploitants agricoles », selon Bassines non-merci (BNM). Dans les Deux-Sèvres, si les 16 bassines sont creusées tranquillou comme prévu seuls 6 % des agriculteurs du département pourront en profiter. Au passage, que produisent ces exploitations ? Du maïs, principalement, une production très gourmande en eau, ensuite utilisée pour l’élevage industriel. Nickel sur toute la ligne.  

5 - Les miettes, c’est délicieux

Pour les défenseurs de ces bassines, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : quelques grosses exploitations profitent de la bassine et les autres… pourront du coup pomper les nappes en été ! Pour eux, restons sur l’exemple de Sainte-Soline, ces 628 000 mètres cubes d’eau (250 piscines olympiques) permettraient de faire « baisser de 70 % les prélèvements (…) en été ». Merci les amis porteurs du projet, c’est génial ! Petit problème expliqué par notre ami Girod : “On leur dit [aux agriculteurs non raccordés] qu’ils seront plus tranquilles pour venir pomper en été puisque les nappes seront ménagées grâce aux réserves d’eau mais ce n’est pas du tout sûr compte tenu de l’état des nappes”. A cela, ajoutons un point particulièrement révoltant : si sécheresse il y a, alors restrictions il y aura. Et ces restrictions ne concerneraient alors …que les agriculteurs non raccordés. Tout est dit.  

6 - J’ai mal à mon gouvernement

La désobéissance civile, ça existe aussi dans le camp d’en face. En Charente-Maritime, 5 méga-bassines ont été construites… illégalement. Dingue, non? Et la justice ? Et nos élus ? Ils subventionnent. Donc soutiennent avec calme et maturité l’industrialisation de une agriculture arrosée d’engrais chimiques et de pesticides... Autant de substances qu’on retrouvera par la suite dans le milieu naturel, dans nos aliments, dans nos corps. Le projet de Sainte-Soline est financé à 70% par des fonds publics. La responsabilité politique de toute cette histoire est énorme. Monsieur Béchu, madame Borne, monsieur Macron, rendez-vous au point 9. 

7 - On le paye en liquide

Les questions politiques impliquent nécessairement des choix dans l’orientation des financements. Chaque réserve d’eau coûte plus d’1 million d’euros. Sans compter les dépenses de plus en plus lourdes qui concernent la surveillance de ces bassins contre les dangereux hippies du coin. C’est tout pour moi, merci à vous. 

Crédits : Abaca Press via Reuters

8 - Courons pour fuir la tempête que notre propre course engendre

(Cette formule me vient du grand Christian Bobin, je l’avoue). C’est toujours la même chose. Nous sommes sur une autoroute à 130. Depuis la révolution industrielle, notre pied est à fond sur l’accélérateur, on trouve ça sympa d’aller vite. Et puis de plus en plus, des petites sorties se présentent. Et à chaque fois on a le choix : utiliser une crise pour sortir de la ligne droite, ralentir et s’arrêter dans un petit village loin de notre course folle ou continuer, faire comme si cette sortie n’existait pas, et attendre que notre réservoir soit vide et qu’on se retrouve tout seul sur un bitume brûlant. Métaphore super réjouissante. Ici c’est pareil. La sortie, c’est un nouveau modèle agricole. L’autoroute c’est le modèle agro-industriel dévastateur  qu’on maintient et qui aggrave ce contre quoi il prétend lutter : le changement climatique. 

9 - Tant qu’ils rêveront de méga-bassines, on les bassinera avec nos méga-rêves

Lutter contre, éviter le pire, c’est épuisant. Pour tenir, il nous faut, en parallèle pouvoir se dire qu’on lutte POUR, aussi. Ça ressemble à quoi ce nouveau modèle agricole ? Voilà la vraie et unique question à poser et à réfléchir avec tous les acteurs du monde agricole. Comment réussir à construire un modèle viable pour les agriculteurs, les consommateurs et notre environnement tout entier ? Comment limiter l’artificialisation des sols, comment soutenir les pratiques agricoles qui restaurent les sols et leur capacité de stockage, comment valoriser des cultures adaptées aux conditions climatiques, comment généraliser les solutions - déjà existantes en agroécologie - de stockage et les systèmes d’irrigation efficaces, comment accélérer la transition des exploitations vers une agriculture écologique et locale ? Va voir ce dossier réalisé par la confédération paysanne, c’est très éclairant et complet.  

10- Allons-y gaiement

A la fin de cet article, comment ne pas glisser une petite pichenette pour aller sur le terrain lutter contre ces projets ? Il y a en a forcément pas loin de chez toi, regarde cette carte. On n’a pas aujourd’hui de décompte national officiel. 25 bassines sont en activité dans la région du Parc naturel régional du Marais poitevin, 16 nouvelles bassines sont prévues dans les Deux-Sèvres. Attention, le piège est d’appeler à lutter contre des agriculteurs. C’est tout le contraire. La lutte se fait contre un système qui écrase ces métiers et ces vies. Redonnons à ces hommes et ces femmes le droit de cultiver le sol en prenant soin de leurs quotidiens et soin du vivant. 

Petit résumé express


Contrairement à une simple récolte des eaux de pluie, les méga-bassines détournent souvent les nappes phréatiques et les cours d'eau pour constituer leurs réserves.

Elles menacent les écosystèmes locaux en réduisant la disponibilité de l'eau pour la vie sauvage et en favorisant l'évaporation des ressources.

Elles entraînent une gestion inégale de l'eau, où seuls quelques agriculteurs peuvent en bénéficier.

Elles nécessitent d'importants investissements, ce qui soulève des questions sur l'allocation des ressources publiques et sur la surveillance des installations.


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